Révolution arabe ou échec des panafricanistes
Révolution arabe ou échec des panafricanistes
Lorsque commence la révolution Tunisienne appelée de « Jasmin », beaucoup d'entre nous ont cru voir en cet évènement le début d'un soulèvement d'envergure panafricaine qui devait amener tous les roitelets d'Afrique à faire le deuil de leur mainmise sur les pays qu'ils tiennent en otage.
Et puis, la « révolution de jasmin » s'est exportée mais pas dans la direction espérée par les panafricanistes « territorialistes » à la différence des panafricanistes « ethnicisés ». Ceci s’est fait malgré les différentes immolations par le feu au Sénégal et dans quelques pays d’Afrique Noire. L'onde de choc s'est en effet propagée à l'ensemble de l'Afrique du Nord mais pas seulement. La Jordanie et le Yémen semblent avoir répondu au message révolutionnaire panarabe derrière lequel se cache évidemment l'activisme islamiste, et pendant tout ce temps rien ne se passe au sud du Sahara... Pourquoi ?
La seule révolution populaire digne de ce nom est celle qui ouvre le chemin à un réel bouleversement politique et social dans chaque pays pris individuellement. Ainsi dans un pays comme le Sénégal on ne peut pas parler de révolution dans le sens tunisien ou égyptien. Ce pays vit la démocratie depuis d’un siècle et malgré les difficultés économiques et sociales le Sénégal respire un vent de liberté. La division et le nombre de partis politiques font que toute initiative révolutionnaire est vite reprise par une personnalité politique ou religieuse. Une des réussites de Wade a été de diviser pour mieux régner. Les responsables politiques sont conscients que la révolution ne peut venir en 2012 que si on empêchait aux sénégalais de faire le bon choix à l’occasion des élections présidentielles.
Alors, la réponse à notre question est tout d'abord parce que le mouvement est panarabe, structuré par une mentalité commune et soutenu par l'islamisme aussi parce qu'il n'y a ni liens ni affinités entre les peuples du nord et du sud du Sahara. Les seuls contacts entre ceux-ci se résument à la guerre, à l'arabo-islamisation forcée, à l'esclavage et au génocide.
Il est donc maintenant clair que l'Afrique du Nord au plus grand désespoir de ceux qui voulaient une Afrique unie de « la méditerranée au nord au Cap de Bonne Espérance au sud » n'entend pas s'associer au projet panafricaniste comme on pouvait s'y attendre. Aucun appel n'a été envoyé aux peuples d'Afrique sub-saharienne depuis l'Afrique du Nord. L'indépendance du Sud-Soudan que je considère comme un cadeau empoisonné pour l’Afrique semble dessiner enfin les lignes d'une muraille civilisationnelle entre l’Afrique du Nord et celle du Sud.
Plus radical encore, le mouvement de protestation panarabe pourrait bien entraîner la chute de Kadhafi, qui frustré par l'échec du panarabisme, avait décidé dans les années 90 de créer un empire islamique liant le Sahel et le Maghreb puis de se faire le porte-parole incontournable du panafricanisme. Mais sans Kadhafi, le panafricanisme territorialiste et islamo-suprématiste est condamné à un déclin irrémédiable. Seuls les inconscients le regretteront, d'autant plus que ses aspirations à l'égard de l'Afrique sub-saharienne n'étaient pas moins impérialistes que celles de la communauté internationale comme en témoigne la réaction du « guide » de la Djamaria Libyenne à l'encontre de Laurent Gbagbo. « Allez-y, bombardez son Palais, lui et ses soldats, tuez-le s’il le faut. Mais ne laissez plus Gbagbo au pouvoir. Y en a marre. Je ferai face à la facture de la reconstruction ». Ces propos, qu’il a bien tenus, ont été diffusés à la télévision libyenne comme s’il était le chantre de la démocratie.
Si, en définitive, il ne résultait de ces événements qu'une série de destitutions quasi-synchronisées de « dictateurs », c'est de géopolitique qu'il s'agirait, d'équilibres mondiaux et de rapports d'influence, autant que de considérations auxquelles l'intérêt des peuples est étranger. La « révolution arabe » ne serait alors que cette espèce de normalisation libérale et mondialisée qu'encourage l'Occident à ses marches proches et lointaines, avatar persistant de la fin de l'histoire chère à Fukuyama et à Clinton. Une rationalisation de la domination et de l'exploitation des peuples dans le cadre des données intangibles de la division du travail mondialisée, sous la direction de régimes politiques convertis par miracle et par opportunisme au pluralisme de façade et à une prétendue liberté de la presse.
Un rattrapage historique que le monde arabe et musulman aurait enfin accompli pour combler les vœux des stratèges évolutionnistes de l'Occident. George Bush n'avait-il pas déjà son projet du Grand Moyen Orient Démocratique et Sarkozy sa Grande Europe/Méditerranée ? L’UPM, « Union Pour la Méditerranée » chère à Sarkozy, devait prendre son essor sur six projets mobilisateurs: la dépollution de la Méditerranée, les autoroutes maritimes et terrestres, la protection civile pour répondre aux catastrophes naturelles, une université euro-méditerranéenne, l'énergie solaire et une « initiative méditerranéenne de développement des affaires ».
Si le mouvement révolutionnaire panarabe vient à aboutir et à donner une plus forte représentativité aux islamistes dans la politique c'est bien un panafricanisme de façade, sombre et sub-saharien qui se préfigure. Car l'islamisme, à part peut-être quelques fins mercantiles ; esclavagistes ou de domination, n'a aucune sensibilité panafricaniste.
Sur les plans sociaux et sociétaux, l'Afrique va de mal en pis et lorsque j'entends dire que « les africains sont plus bêtes que la moyenne en étant incapables de s'unir entre personnes du même pays » je n'ai qu'une chose à répondre, ils ne sont pas bêtes mais humains, ils ne sont pas du bétail qui s'identifiera à son enclos mais des hommes attachés à leurs cultures et tant que l'on niera leur humanité ils continueront de s'enfoncer dans la sauvagerie.
La violence n’est ni une spécialité, ni une exclusivité africaine. Mais les proportions qu’elle prend sur le continent sont inquiétantes, que ce soit sur la place publique ou en privé. La légitimité de la violence se mesure à la capacité de s’en défaire. Si Nelson Mandela est l'homme respecté et adoré qu’il est devenu, c’est parce qu’il a eu le courage de dire à ses compagnons de résistance que leurs armes n’étaient plus qu’ à jeter à la mer, puisque le but qu’ils s’étaient fixé, libérer les opprimés, était atteint. Pour rappeler, comme dirait Michel Foucault, que « la politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens ».
Désormais, l’année 2011 restera dans l’histoire comme celle de la révolution de la jeunesse dans le monde arabe. Ce qu’il faut retenir de ce mouvement, c’est que le social et le politique sont liés. Le mouvement a commencé par des revendications socio-économiques et se termine par une demande de liberté politique. Certains dictateurs avaient imposé l’idée selon laquelle la confiscation des libertés politiques était le prix à payer pour s’assurer un développement économique durable. Mais au fil et à mesure que les pouvoirs devenaient de plus en plus autoritaires, la corruption s’intensifie, la répression gagne du terrain, les injustices se généralisent.
Aussi, ce qu’il faut retenir de ces mouvements de contestations, c’est ce que le peuple veut il peut toujours le réaliser, peu importe le degré de terreur des élites dominantes à condition de vaincre la peur.
Les pays d’Afrique noire se sont toujours plaints du fait que les pays occidentaux imposent et soutiennent des dictateurs sur le continent pour protéger leurs intérêts. C’est le cas aussi dans les pays arabes ou les pays occidentaux, les Etats-Unis en tête, soutiennent et financent des dictateurs qui leurs sont favorables, prétextant vouloir barrer le chemin aux groupes islamistes. Mais à côté des islamistes, il y a des peuples qui souffrent, et qui se battent pour le pain et la liberté. Il y a des peuples soifs de dignité et d’honneur.
Les peuples africains devront s’inspirer de ce courage populaire dont ont fait preuve les peuples arabes, et dire non aux Rois Nègres autoproclamés qui font la pluie et le beau temps sur le continent noir. La recherche de la démocratie est un lourd combat. Comme le dit le célèbre politologue camerounais Achille Mbembe : « Si les Africains veulent la démocratie, c’est à eux d’en payer le prix. Personne ne le paiera à leur place. Ils ne l’obtiendront pas non plus à crédit. Ils auront néanmoins besoin de s’appuyer sur de nouveaux réseaux de solidarité internationale, une grande coalition morale en dehors des États, la coalition de tous ceux qui croient que sans sa part africaine, notre monde décidément sera plus pauvre encore en esprit et en humanité ». Si les élites africaines n’apprennent pas à servir leurs peuples avec justice et dignité, l’Afrique noire aura tôt ou tard sa révolution.
En conclusion, la révolution dite « arabe » ne s’étendra en Afrique subsaharienne qu’à la condition que les panafricanistes territorialistes remportent sur ceux nationalistes ou ethnicisés. Pour cela il faudra accepter que les états africains aient été tout d’abord des Etats avant d’être des nations et que les problèmes africains sont identiques du Nord au Sud. Alors pourquoi l’occident parle de révolution arabe et non africaine ? L'Occident ne souhaite-t-il pas qu'il y ait une révolution démocratique dans son pré carré africain noir ?
Amadou DIALLO http://adaillo132009.blog4ever.com
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