Le malaise des Commissions Electorales Indépendantes Ouest Africaines (CEI)
Le Malaise des Commissions Electorales Indépendantes Ouest Africaines (CEI).
Enfin les élections présidentielles en côte d’Ivoire, la commission électorale dite « indépendante » publie tant bien que mal les résultats qui sont aussitôt invalidés par le Conseil Constitutionnel entraînant un malaise sans commune mesure pour cette commission. On peut se demander dés lors pourquoi l’instauration de ces commissions dans les pays africains ?
Les élections libres et démocratiques constituent un critère de base de la démocratie, tout au moins dans son acception libérale triomphante depuis la chute du Mur de Berlin. Pourtant, il s'agit d'un critère de base souvent absent des régimes politiques nés des Indépendances et qui se proclamaient tous démocratiques.
En réalité, l'évolution politique du continent africain montre que la conquête de la démocratie a été ardue sinon périlleuse. Cette situation avait fait dire à beaucoup d’observateurs que l’Afrique n’était pas mûre pour la démocratie ou que la démocratie était un luxe pour les états africains.
Le déficit de démocratie y a d'abord été vécu sur le mode de l'autoritarisme politique, les régimes qui se mettent très vite en place se caractérisant, la plupart du temps, par leur totalitarisme, c'est-à-dire leur prétention à gouverner la quasi-totalité des aspects de la vie des citoyens, et ne tolérant, dès lors, aucune opposition sérieuse à leurs projets. Au nom, souvent, d'une nécessité de construire des nations balbutiantes, ou de réaliser le développement économique et social, les pouvoirs en place se montrent peu respectueux des libertés civiles et du droit à l'objection et à la contradiction.
Lorsque ce n'est pas une chape de plomb qui s'abat sur l'opposition politique, ce sont des élections sans choix ou des simulacres d'élection qui sont souvent organisées, avec des résultats connus d'avance, et des scores plébiscitaires pour ceux qui gouvernent. De fait, les premières alternances politiques ont lieu seulement autour des années 90, soit trente ans ou cinquante ans après les indépendances.
L'absence de démocratie, sur le continent africain, a, entre autres, été surtout perçue sous l'angle de l'absence d'alternance, de l'accaparement du pouvoir par les gouvernants, par une ethnie ou une famille et du non-renouvellement de la classe dirigeante et des élites politiques.
En tous les cas, les structures officielles chargées de l'organisation des élections, notamment les Ministères de l'Intérieur dans les pays africains, n'inspiraient plus confiance pour une gestion transparente et équitable de la compétition électorale. L'ouverture démocratique des années 90 a donc été caractérisée par la mise en place, un peu partout, d'organes censés organiser, en toute indépendance, les processus électoraux (commissions électorales indépendantes ou autres…).
Pour l’établissement de ces organismes de régulation des élections, de rudes batailles ont opposé à ce sujet les tenants du pouvoir et les opposants, la configuration donnée à ces Commissions électorales passant pour être révélatrice de la réelle volonté des autorités de promouvoir des élections libres, sincères et démocratiques. Tandis que les opposants les considèrent comme des moyens de plus pour pérenniser les pouvoirs déjà en place.
L'apprentissage de la pratique électorale a donc réconcilié l'Afrique avec la démocratie pluraliste. Beaucoup d'espoir a dès lors été investi dans ces nouvelles structures censées être les nouvelles vigies de la démocratie et devaient assurer une alternance politique.
Près d'une trentaine d'années après les premières expériences d'organisation d'élections libres et compétitives en Afrique à travers ces organismes, le bilan reste très mitigé et jette un malaise dans l’esprit de beaucoup d’africains. Le cas récent de la Guinée et de la Côte d’Ivoire, où on a vu cette image hallucinante d’un militant Pro-Gbagbo qui n’a pas hésité devant les caméras à chiffonner les résultats que s’apprêtaient à publier le président de la CEI, montre le manque de respect vis-à-vis de ces organismes.
Les évolutions démocratiques et la succession des cycles électoraux montrent que l'élection est toujours sujette à caution et en proie à la crise dans plusieurs nouvelles démocraties. Dans certains pays africains, l'élection est, malgré l'instauration de Commissions électorales selon un mode plus ou moins consensuel, devenue le premier facteur «conflictogène» remarquable.
En effet, c'est à l'occasion de la préparation des élections ou de leur déroulement ou encore de la proclamation de leurs résultats qu'il y a une tension aboutissant souvent à une confrontation qui menace la stabilité politique et la paix civile. C’est soit en amont que les acteurs ne sont pas d'accord sur les règles qui régissent le processus électoral ou les modalités de l'organisation des élections, soit en aval, les candidats malheureux, la plupart ceux de l’opposition, considèrent que les résultats proclamés ne reflètent pas la volonté des électeurs. Pour une fois en Côte d’Ivoire on a vu le candidat au pouvoir se plaindre des fautes commises par l’opposition dans le déroulement des opérations électorales jusqu’à empêcher la publication des résultats provisoires.
Il est dès lors nécessaire de se demander les raisons qui font que ces commissions ont du mal à trouver leur légitimité aux yeux des politiciens. Le régime financier des commissions électorales est confronté à un principal défi, c'est celui d'une part, de leur indépendance par rapport aux pouvoirs en place souvent tentés d'utiliser le fait que ce sont eux qui accordent les ressources financières pour les influencer dans le sens de leurs intérêts et d'autre part, de leur non dépendance exclusive par rapport aux ressources provenant de l'extérieur, notamment des Etats et des organisations de la coopération multilatérale.
En effet, l'actualité politique - dans certains pays comme le Bénin où les parlementaires ont prétexté d'un manque de moyens financiers pour tenter de proroger le mandat des députés et reporter la date des législatives- montre la nécessité pour les Etats d'avoir une maîtrise des ressources financières nécessaires à l'organisation des élections pour assurer le respect des calendriers électoraux. L'invalidation de cette décision par la Cour constitutionnelle béninoise ne disqualifie pas totalement l'argument du manque de moyens lorsque les bailleurs ne sont pas parfois disposés à des élections comme facteur empêchant parfois la tenue à date normale des élections dans certains pays.
Au demeurant, l'indépendance des commissions électorales ne devrait pas être l'opportunité pour celles-ci de se livrer à des gaspillages de ressources ainsi qu'on l'a vu dans certains pays. A cet égard, l'indépendance ne doit pas exclure la nécessité en amont de rationalisation des ressources et de contrôle en aval de l'utilisation par les Commissions des fonds qui leurs sont alloués. Il est arrivé que l'optimisme nourri n'ait pas été déçu, que la Commission électorale, sans avoir fonctionné de façon absolument irréprochable, se soit acquittée de sa mission de manière plus qu'honorable, au point que l'on peut bien parler de succès.
A titre illustratif, La Commission électorale du Cap Vert jouit d'un degré élevé de confiance et s'est illustrée depuis son institution par l'organisation d'élections apaisées dont les résultats sont acceptés par tous les protagonistes de l'élection.
La Commission Electorale Nationale Autonome du Bénin compte sans doute parmi les organes qui peuvent, sur le continent africain, se targuer d'un certain succès. Cette institution est venue s'insérer harmonieusement dans une transition démocratique dont tous reconnaissent le caractère exemplaire. Son arbitrage des scrutins n'a pas soulevé de contestations majeures, et les acteurs du jeu politique béninois semblent l'avoir bien « intégrée ». Elle n'a donc pas de problème majeur de légitimité.
Est-il possible d'avoir une Commission électorale idéale ? Aux termes de cette contribution, est-il possible de dégager des critères permettant d'identifier la « Commission électorale idéale » capable d'assurer l'organisation des meilleures élections ? Pour cela, il est difficile de dégager le profil idéal d'une Commission Electorale pour plusieurs raisons.
Premièrement : L'histoire spécifique de chaque Etat est un élément important de la définition d'une Commission électorale. Les pays comme le Bénin qui se sont démocratisés par le bas à partir d'une renégociation du système politique à travers une Conférence nationale ont forcément une Commission électorale plus indépendante que les pays où la démocratisation s'est plutôt opérée par le haut avec des concessions faites unilatéralement par le pouvoir tel que le Sénégal.
Deuxièmement : L'efficacité et la réputation de l'administration d'Etat sont déterminantes dans la détermination du champ de compétences de la Commission électorale. En effet, dans les pays où l'administration s'est par le passé montrée relativement efficace dans l'organisation des élections ainsi que ce fut le cas au Sénégal en 2000, la tache de la Commission électorale est forcément limitée à la supervision du processus électoral tandis que la Commission électorale est forcément dotée de prérogatives fort importantes lorsque l'administration s'est disqualifiée de par son attitude partisane antérieure.
Troisièmement : La tradition juridique anglophone ou francophone et lusophone à laquelle se rattache un pays est un facteur d'influence important pour la détermination du statut et des prérogatives de la Commission électorale dans le système politique. En général, les garanties d'indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif sont plus facilement accordées dans les pays anglophones (Ghana, Nigéria) que dans les pays francophones davantage marquées par le présidentialisme qui rend plus difficile l'indépendance des autres institutions vis-à-vis du Président de la République.
Quatrièmement : Dans chaque pays, il y a un rapport de forces politiques spécifique qui a été à l'origine de la création de la commission électorale. L'importance et l'envergure de la commission électorale traduisent dans une large mesure le rapport de forces politiques. Les revendications d'une commission électorale forte ont eu plus de chance d'aboutir dans les pays où la pression de l'opposition est forte que dans les pays où celle-ci s'est plutôt montrée faible.
Après avoir renoué avec la démocratie au début des années 1990, les Etats africains en général et ceux de l'Afrique de l'ouest en particulier, ont été confrontés à l'épineux problème de la gestion des élections. Partout, des efforts ont été progressivement déployés pour définir un système de gestion des processus électoraux adapté aux traditions juridiques et politiques de chaque pays et qui garantisse l'organisation d'élections transparentes, honnêtes et démocratiques.
Globalement, la confrontation des expériences a permis de nuancer l'idée reçue de la faillite des systèmes électoraux en Afrique. A cet égard, les cas de succès coexistent aux côtés des expériences mitigés et des échecs patents.
Notre contribution, tout en essayant de dépasser les cadres juridiques formels des Commissions électorales, s'est employée aussi à passer en revue une liste de difficultés que pose ou que pourrait poser l'organisation des élections dans les nouvelles démocraties de la sous-région ouest africaine pour leur apporter des pistes de solutions. La démarche a pris le parti d'aborder chaque question majeure et de l'analyser avec des illustrations puisées à la fois dans le registre des exemples de « bonnes pratiques » ou de « pratiques à améliorer ».
L'intérêt majeur de cette étude n'est pas un simple exercice intellectuel, mais plutôt de constituer un document d'analyse des systèmes électoraux des pays sous examen en vue d'apporter ou de contribuer à trouver des solutions aux problèmes concrets qui se posent de façon souvent chronique à l'organisation des élections dans la plupart des jeunes démocraties ouest-africaines.
Relativement à la perspective de définition des normes et standards pour garantir la tenue d'élections régulières dans l'espace de la CEDEAO, l'étude a essayé d'identifier quelques tendances. En effet, elle s'est employée à montrer, qu'en dépit de l'existence de traditions juridiques différentes (anglophones, francophones, lusophones), des difficultés liées aux exigences de respect de la souveraineté des Etats, des initiatives peuvent être menées pour aboutir à la définition de principes directeurs à la pratique électorale dans la région ouest africaine.
L’histoire récente des CENI en guinée puis en Côte d’Ivoire montre le malaise de ces organismes qui voient leur pouvoir limité devant l’hyper-présidentialisation des différents régimes. Il est nécessaire désormais que chaque pouvoir accepte les règles du jeu. On ne peut parler de démocratie que dans le respect de l’ordre établi. Il n’est pas nécessaire d’organiser des élections ou d’installer des organismes pour gérer les résultats, si on est sûr qu’en définitive on ne sera pas lié par le verdict des urnes.
Respect à Mr DIALLO de la Guinée qui a mis en avant l’intérêt supérieur de la nation guinéenne et a accepté de se plier à la décision de la Commission électorale Guinéenne. Quant à Mr Laurent Gbagbo, vous devez beaucoup à la Cote d’Ivoire, vous êtes resté cinq ans au pouvoir sans élections, au prix de la paix. Le refus des résultats provisoires proclamés par la CEI ivoirienne marque votre acharnement à occuper le pouvoir en s’appuyant sur un ethnocentrisme qui a beaucoup fait mal au continent africain.
Le coup de force opéré en Côte d’Ivoire a commencé à prendre corps dès l’annonce des tendances internes obtenues par les deux camps en compétition et connues par le corps diplomatique et les différentes institutions internationales à Abidjan et les services électoraux des deux camps respectifs. Il fallait vite museler cette tendance forte en faveur de Monsieur Alassane Ouattara et mettre sous silence une éventuelle proclamation du verdict des urnes par la commission Electorale Indépendante sous la bénédiction de l’armée loyale.
Toute une panoplie a été a été mise au point en faisant de l’obstruction jusqu'à l’expiration du délai de 72 heures pour publier les résultats, les images de la télévision attestent de cette véracité. Le but recherché était d’instrumentaliser le Conseil Constitutionnel présidé par un personnage proche de Gbagbo, militant du FPI et choisi par le même Gbagbo pour passer en force et opérer un coup de force contre la souveraineté du vote populaire comme ce fut le cas depuis plus de cinq ans.
Le côté théâtral de la promptitude avec laquelle a été communiquée la décision partisane du Président du Conseil Constitutionnel invalidant la victoire de Monsieur Ouattara après une multitude de réclamations de la part du candidat « sortant » Gbagbo et l’affabulation grotesque de la prestation de serment de ce dernier au palais de la république entouré de sa cohorte de courtisans constituent autant d’indices révélateurs de sa défaite.
Après les années d’indépendance, moment de crimes et d’assassinats politiques, il s’en suivit les périodes des élections avec des scores à la soviétique de 99.9%, les conventions nationales avec leur cortège de déception, les dévolutions monarchiques du pouvoir, les commissions électorales indépendantes ont permis d’avoir plus foi à la chose politique. L’expérience malheureuse de la Côte d’Ivoire ne doit pas arrêter cet élan qui a permis au peuple souverain d’espérer à la possibilité d’alternances politiques en Afrique avec des scores plus proches de la réalité. L’expérience ivoirienne doit être prise comme une parenthèse dans l’évolution démocratique des pays africains surtout de l’Ouest. Ce malaise des Commissions Electorales ne saurait être pris dès lors que comme éphémère et source de nouvelles expériences positives au profit des démocraties africaines, encore balbutiantes.
Amadou DIALLO http://adiallo132009.blog4ever.com/
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