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« Françafrique » ou « France-à-fric » : De qui se moque-t-on ?

« Françafrique » ou « France-à-fric » : De qui se moque-t-on ?

 

Le financement occulte de candidats aux élections présidentielles françaises par des dirigeants africains, comme l'évoque Robert Bourgi dans le JDD du 11 septembre 2011 à propos de Dominique de Villepin et Jacques Chirac, est l'un des volets de la fameuse « Françafrique » ou « France-à-fric ». Ce système est un ensemble de réseaux opaques d'influence entre Paris et ses soi-disantes ex-colonies.

Cette affirmation de Robert BOURGI semble mettre mal à l’aise beaucoup d’hommes politiques français qui n’ont pas honte de menacer de porter plainte contre ce dernier quand on sait que ces relations de fric ne sont que des secrets de polichinelle. De Paris à Dakar en passant par Libreville et Abidjan tout le monde sait que cette pratique a toujours existé et a été l’essence même des relations franco-africaines. La durée d’une présidence africaine valait la capacité qu’on avait de distribuer des valises de billets. Le président africain, qui refusait ce deal ou qui n’avait pas la main bien ouverte, subissait les foudres de la France et de ses dirigeants.

En effet, « on sait que, depuis le général de Gaulle, des dirigeants africains ont financé des partis français et en particulier les réseaux gaullistes. La toile de fond des révélations de Robert Bourgi est bien réelle ». Même si la gauche a bénéficié de ses largesses des présidents africains, la droite française a eu la plus grande part du gâteau.

Oui, secret de polichinelle depuis des dizaines d'années, le financement occulte des partis politiques français par certains Etats africains fait aujourd'hui, les gros titres et les choux gras du site Wikileaks. «Rester à l’ombre pour ne pas attraper de coups de soleil». C’est la fameuse formule fétiche de Jacques Foccart, grand maître d’œuvre de la Françafrique qui a pris un coup de vieux. Même la «bonne vieille» Françafrique n’est pas épargnée par Wikileaks.

Ainsi, selon un câble américain récemment publié par El País, des dirigeants gabonais auraient détourné une trentaine de millions d’euros de la Banque centrale des Etats d’Afrique centrale. Ces révélations auraient été faites aux diplomates américains par un haut fonctionnaire de la BCEAC.

« Selon la source de l’ambassade, de hauts responsables gabonais, dont l’ancien président Omar Bongo et son fils Ali Bongo ont bénéficié du détournement. La source a aussi déclaré que les dirigeants gabonais avaient utilisé ces revenus pour leur enrichissement personnel, et, sur instruction de Bongo, versé des fonds à des partis politiques français, notamment en soutien du président Sarkozy ». Ce responsable de la BCEAC, interrogé sur les bénéficiaires français, a également expliqué: « Les deux côtés, mais surtout la droite, particulièrement Chirac et aussi Sarkozy ont bénéficié des largesses et Bongo était le président préféré de la France en Afrique, c’est la Françafrique classique ». Ces allégations ne sont pas nouvelles. Quelques jours après la mort d’Omar Bongo en 2009, Valéry Giscard d’Estaing avait rompu la « loi du silence » entourant ce sujet et affirmé que Bongo avait financé la campagne de Chirac lors de la présidentielle de 1981. « Moi, j’étais président de la République à l’époque. J’ai appelé Bongo et je lui ai dit: - Vous soutenez actuellement la campagne de mon concurrent, alors il y a eu un temps mort que j’entends encore et il m’a dit: “Ah! Vous savez”. - Ce qui était merveilleux- ».

En son temps, Jacques Chirac avait eu beau dénoncer alors des propos « dénués de tout fondement » relevant d’une « médiocre polémique », il n’avait pas convaincu grand monde. D’autant qu’un député socialiste, André Vallini, a lui aussi reconnu les faits à demi-mot: « Nous savons tous précisément qu’Omar Bongo a financé de nombreuses campagnes électorales à droite mais aussi à gauche, parfois, peut-être. On l’a entendu dire. Je crains hélas que cela ne soit un peu vrai, y compris concernant la gauche ».

Ces financements de la vie politique française sont un secret de polichinelle, j’insiste. Dans le documentaire Françafrique, récemment diffusé par France 2, Robert Bourgi, qui se présente comme le fils spirituel de Foccart, explique que les hommes politiques français fréquentaient avec assiduité l’hôtel Crillon où Omar Bongo avait ses habitudes. Faisaient-ils la queue uniquement pour s’enrichir intellectuellement de ses fulgurances géopolitiques ? On peine à le croire. Bongo a été le premier président reçu à l’Elysée par Nicolas Sarkozy après son élection. Est-ce uniquement en raison du rayonnement international de son pays d’un million d’habitants ou sa capacité à distribuer des pétrodollars ? Là encore, on peut être sceptique.

Toujours dans le très édifiant documentaire Françafrique de France 2, Robert Bourgi, avant son interview du dimanche dernier, explique également que Jacques Chirac avait pris l’habitude de consulter Bongo en matière de politique française. De lui présenter les « jeunes espoirs de la politique ». De lui demander qui serait un bon ministre, qui avait un avenir. Une évolution étonnante de la Françafrique conçue par le Général de Gaulle comme un moyen de maintenir une très grande influence de la France dans ses anciennes colonies. Foccart et ses sbires employaient des méthodes très peu orthodoxes, parfois très violentes, mais ils prétendaient agir dans l’intérêt supérieur de leur pays. Les relations entre la France et l’Afrique sont devenues une histoire de « paie et on se tait ».

Dans la nouvelle Françafrique ou la « France-à-fric », ce n’est plus nécessairement la France qui tire les ficelles, mais peut-être celui qui détient le plus gros portefeuille, ou qui arrose le plus facilement. S’il a financé pendant des dizaines d’années des élections françaises, Bongo a régné plus de de 41 ans et a transmis le pouvoir à son fils. Il a sans doute acquis une influence considérable, ainsi que des moyens de pression de taille sur ses obligés de droite comme de gauche.

Dans ces conditions, il devenait sans doute très difficile pour les dirigeants français de lâcher le clan Bongo. L’élection du fils en 2009 a soulevé beaucoup d’interrogations; des diplomates français et américains ont affirmé, par la suite, qu’Ali Bongo avait fait inverser les résultats en sa faveur. Pourtant, la France s’est empressée de reconnaître son élection pour pouvoir continuer de ses largesses.

Omar Bongo a toujours été présenté par Jacques Chirac comme un « grand ami » de la France. Il en va de même pour son fils Ali, sous l’ère Sarkozy. Les discours de rupture avec la Françafrique du candidat Sarkozy, ceux qui avaient précédé son élection et qu'avaient très peu appréciés par Omar Bongo, paraissent bien loin.

Le Gabon n’est pas un cas isolé. Au Togo, le président Eyadéma était lui aussi connu pour sa grande « générosité ». « Il avait souvent des valises bourrées d’argent toutes prêtes pour ses visiteurs français. Même l’extrême droite venait elle aussi chercher sa part. Bien sûr, c’était moins que pour la droite, mais il y en avait pour tous », m’a expliqué un haut fonctionnaire togolais. Un ancien ministre français m’a aussi confié que lors de son passage à Lomé, un président français n’était pas reparti les mains vides. Eyadéma était l’un des plus sanguinaires dictateurs africains. Il était arrivé au pouvoir après l’assassinat de Sylvanus Olympio, président élu, et personne n’osait le critiquer en public. « Trop de membres de ma famille ont disparu », était une réponse fréquente pour expliquer ce mutisme.

Pourtant, Gnassingbé Eyadéma était lui aussi présenté comme un « grand ami de la France » par Jacques Chirac. A sa mort en 2005, son fils Faure lui a succédé lors d’une élection très contestée. Là encore, Paris s’est empressé de reconnaître le sacre du fils, symbole de continuité. Son père avait pourtant régné 38 ans.

Le Temps, un quotidien abidjanais favorable au président Gbagbo, ne s’y est pas trompé. Dans une de ses éditions on pouvait lire: « Sale temps pour le donneur de leçons rattrapé rapidement par son passé très sombre. Le président français, Sarkozy, est au centre de l’un des plus grands scandales de la mafia françafricaine ». Le journal ajoute: « Pour financer sa campagne, Sarkozy reçoit une grande partie de cet argent pourtant volé dans une banque appartenant à des pays pauvres africains. Entre les discours et les actes, il y a un grand fossé chez Sarkozy.

Du coup, ses figures rhétoriques sur la bonne gouvernance perdent toute leur valeur. On comprend que Gbagbo aie donné des céphalées à Sarkozy. C’est un empêcheur de voler. Paris sait qu’avec lui on ne peut pas piller comme on le veut les ressources de la Côte d’Ivoire ».

Un discours en son temps excessif, démagogique bien sûr, mais qui séduit une partie de l’opinion africaine. Les « relations d’affaires » troubles d’une partie de la classe politique française avec des dictatures africaines ont duré trop longtemps et brouillent le message de la France en Afrique. Même au milieu des plus beaux discours, flotte toujours une légère odeur de pétrole, de soufre et d’argent sale. L’amère rançon de la Françafrique.

L’accusation de Robert Bourgi ne vient que confirmer une situation très bien connue. Par contre il ne faut pas chercher à protéger le président Sarkozy. Il a bénéficié comme les autres des largesses africaines. C’est navrant de constater que les dirigeants africains n’ont pas hésité d’amputer les richesses de leur peuple de plus de 10 millions d’Euros soit 6 500 000 000 de francs CFA, ceci fait 550 francs CFA pour chaque sénégalais.

Dans cette histoire de la Françafrique, de fric distribué à tour de bras, le Sénégal apparaît être le meilleur élève du cours franco-africain. C’est une véritable vitrine démocratique qui cache une véritable fabrique de misère sociale et d’injustice qui risquent de pousser le pays sous le charme des sirènes intégristes.

Les propos de Robert Bourgi qui visent explicitement Jacques Chirac et Dominique de Villepin, ne doivent pas être totalement rassurants pour M. Sarkozy, qui lui aussi sans oublier BAYROU même, ont trempé dans le sale barbouillis de la « France-à-fric ». Les seules victimes de qui on se moque tous les jours ce sont les pauvres africains qui continuent de vivre dans la misère totale et la manipulation.

Amadou DIALLO

 

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12/09/2011
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