Pourquoi doit-on dévaluer le Franc CFA?
Pourquoi doit-on dévaluer le Franc CFA ?
En 1994 devant l'incompétence de nos dirigeants et le tour de passe-passe de Mr Balladur, ministre français de l'économie ; le Franc CFA a été dévalué de moitié devant les yeux ébahis de responsables africains à qui on faisait miroiter des lendemains meilleurs.
Quinze ans après, le constat est sévère : croissance nulle, économie réduite à bas, destructions du potentiel industriel, populations affamées.
Mr Balladur de rentrer en France, fier du forfait accompli ! Il avait réussi à berner ses valets devant l'ampleur de la surévaluation du franc CFA par rapport aux francs français qui étaient sa monnaie de référence.
Suite aux politiques économiques désastreuses des socialistes menées depuis 1981 et des dévaluations successives du franc français au sein du système monétaire européen, le franc CFA avait pris du galon et supplanté le Franc Français, ce que naturellement, la France ne pouvait tolérer.
L'arrimage du franc CFA d'abord au franc français et ensuite à l'euro, contraint les deux Banques centrales des pays de cette zone à déposer annuellement 65 % de leurs réserves de devises étrangères sur un compte du Trésor français. Par contre, ces banques centrales n'ont pas le droit d'accorder aux pays membres des crédits supérieurs à 20% de leurs recettes publiques de l'année précédente. Ce qui donne un différentiel trop bénéficiaire pour la France qui gère à son profit des devises acquises par ses soi-disant partenaires africains dont la France « garantit » leur monnaie.
Pour un accord équitable il est loin de l'être, c'était l'occasion tant rêvé pour la France de combler une partie de ses déficits en profitant des réserves de devises des pays de la Zone Franc. Pour leur faire avaler la pilule et apaiser leur mal de crâne, une simple dévaluation et tout va s'arranger. D'une part la France gagne de l'argent sans rien faire alors que le dollar battait des records et d'autre part cette monnaie que la France avait octroyée à ses colonies repassait en-dessous du franc français et le tour est joué à la barbe et au nez de nos dirigeants flanqués de milliers de conseillers.
Cette politique de la parité fixe franc CFA/FF/Euro favorise une importante fuite de capitaux vers la France et fait de la BCEAO et de la BEAC des banques qui n'ont d'africaines que par leur nom. « Elles n'ont aucun pouvoir et ne sont rien de plus que de gigantesques institutions bureaucratiques qui ne décident pas des politiques monétaires. Elles sont là, pour faire croire aux pays de la zone franc qu'ils sont maîtres de leur destinée ». C'est ce qu'avait indiqué Mamadou Koulibaly, président de l'Assemblée nationale ivoirienne et professeur d'économie dans une interview à New African. Ces deux banques centrales, qui ont droit à un découvert au Trésor français, ne peuvent cependant que retirer des montants limités en raison de règlements instaurés en 1973. Dans son édition d'Avril 2008, New African indiquait que les réserves de devises étrangères versées par les Banques centrales africaines au Trésor français, prospèrent à la Bourse de Paris dans les seuls intérêts de la France.
Dans une seule journée à la veille de la dévaluation, de nombreux politiciens véreux, des affairistes de tout bord n'ont pas hésité à venir en France avec des valises remplies de billets de banque, séjourner dans les hôtels rue de Charonne (charogne) comme des vautours, transformer des milliards en Franc Français et le lendemain se retrouver avec une plus value de 50% ni vue, ni connue, tout le monde y trouvant son compte.
Le Franc CFA, malgré tout ce qu'on peut dire de cette monnaie, reste et demeure une monnaie moralement indéfendable. C'est à juste titre que le président sénégalais, Abdoulaye Wade, dans ces moments de grande réflexion, avait réclamé, en 2007, que la France restitue aux pays de la zone franc leur argent. « L'argent du peuple africain placé à l'étranger doit être rendu à l'Afrique pour profiter aux Etats de cette zone », avait-il lancé, dénonçant que plus de 1 500 milliards de franc CFA générés par les réserves de devises étrangères de la BCEAO « soient placés sur des bourses étrangères et inaccessibles aux Africains ». Dans le même temps, ces pays réclament de l'aide au développement. « Cela n'a aucun sens », avait-t-il ajouté. Pour M. Koulibaly, l'arrimage du franc CFA à l'euro « est coercitif, injuste et moralement indéfendable. » Ce n'est pour rien que la France à la veille de chaque réunion du G-20 n'hésite pas à convoquer nos responsables à Paris pour les caresser dans le sens du poil, et éviter toute forme de dévaluation d'autant plus que la politique monétaire de la Zone ne dépend que de la volonté de la France.
La dernière rencontre de Paris avait, au vu du communiqué qui en est ressorti, un seul objectif : sensibiliser les pays de la zone franc à la nécessité de conserver la parité fixe entre le franc CFA et l'euro. La France craindrait-t-elle que les représentants africains remettent cette politique monétaire en cause lors du prochain G-20 ? Depuis quelques années, nombre d'économistes et de cadres africains dénoncent de plus en plus la parité fixe entre l'Euro et le franc CFA qui, selon eux, pénalise sérieusement les économies des pays de cette zone entraînant une véritable détérioration des termes de l'échange au profit exclusif de la France. Les économies africaines restent plombées incapables d'investir dans leur projet de développement.
Effectivement, la rencontre de Paris a fait que les dirigeants africains, ceux des pays de la zone franc, ont défendu cette politique de parité fixe entre le franc CFA et l'euro le 2 avril 2009 à Londres devant les promesses incessantes du gouvernement français d'augmenter son aide au développement. Pour une fois encore les pays de la Zone Franc sont sauvés par la faiblesse du dollar ; la France n'a aucun intérêt à la dévaluation du Franc CFA tant que le dollar restera trop en dessous de l'Euro. Avec la crise mondiale actuelle, les experts se penchent de nouveau sur l'arrimage du Franc CFA à l'Euro, on se demande s'il ne faut pas dévaluer de nouveau.
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Deux courants de pensée émergent du débat sur la parité fixe entre le franc CFA et l'Euro. Ce qui augure de la difficulté du problème. Le premier, auquel appartient Lionel Zinsou, économiste et banquier franco-béninois, défend cette parité qui, d'après lui, permet aux pays de la zone CFA de posséder une monnaie stable. Les deux tiers des exportations des pays de cette zone sont tournés vers l'Europe. Ces derniers doivent donc avoir « la monnaie de leur commerce extérieur », estiment les partisans de cette école. Face à eux, des banquiers et des économistes jugent illogique l'existence d'un taux fixe entre les deux devises. Pour eux, l'arrimage du franc CFA à l'Euro est responsable du déficit chronique de la balance commerciale des pays de la zone CFA. Sanou Mbaye, ancien fonctionnaire de la Banque africaine de développement (BAD) appartient à ce courant de pensées. La politique du taux de change fixe adoptée par les pays de la zone franc est une aberration. L'appréciation de l'euro par rapport au dollar a été, depuis plusieurs années, préjudiciable aux économies de ces pays. De janvier 1999 à mai 2008, l'euro est passé de 1,17 à 1,59 dollar, ce qui signifie que le franc CFA, monnaie des économies jugées parmi les plus indigentes du monde, s'apprécie par rapport au billet vert. Cela ne manque pas de poser problème, car les prix des principaux produits d'exportation de la zone comme le café, le cacao et le coton sont libellés en dollars, tandis que ceux de leurs plus gros volumes d'importation le sont en euros. Ainsi, se faire payer ses exportations en monnaie faible et régler ses importations en monnaie forte ne peut que donner des balances commerciales chroniquement déficitaires. De surcroit, la convertibilité du franc CFA et le régime de contrôle du mouvement des capitaux mis en place par la France en 1993 favorisent une fuite massive des capitaux en direction de l'Hexagone. Cette hémorragie est une des principales causes structurelles de la pauvreté dans les pays de la zone franc. De plus, en l'absence d'un gouvernement économique européen et de l'adoption par les pays européens de politiques de relance communes face à la crise mondiale, le scénario d'une désintégration de la monnaie européenne, avec des conséquences désastreuses pour les pays de la zone franc, n'est plus à exclure. Certains banquiers et certains fonctionnaires du Fonds Monétaire International (Fmi) pensent qu'il faut rompre avec la parité fixe du franc CFA avec l'Euro. Ces personnes pensent que les pays de cette zone seraient plus compétitifs en ayant une monnaie plus faible. Mais plusieurs gouvernements sont farouchement opposés à mettre fin à l'arrimage du franc CFA à l'Euro. En ce qui me concerne, je ne défends pas cette parité fixe entre le franc CFA et l'Euro. La parité fixe permet à nos pays d'avoir une monnaie stable mais par rapport à qui? A la France et à l'Europe qui ne sont plus nos seuls partenaires commerciaux vu la mondialisation. Aujourd'hui nos économies n'importent pas autant qu'elles exportent. On importe plus qu'on exporte par manque d'industries de transformation et une destruction de nos productions agricoles. Si une monnaie forte permet d'importer relativement moins cher, il n'en demeure pas moins que les pays de la Zone Franc doivent déposer une grande partie de leurs devises en France, ainsi la hausse ou la baisse du dollar n'a aucune incidence sur leur balance commerciale, tout au plus elle n'arrange que la France qui engrange presque la totalité des devises gagnées durement par les pays de la Zone Franc. Les importations dans les pays de la zone Franc sont obligatoires et concernent essentiellement des denrées alimentaires, des hydrocarbures ou des biens manufacturés qui ne se font plus majoritairement avec la France ou l'Europe. La mondialisation a permis aux pays de la Zone France de diversifier leurs partenaires plus enclins à les aider à se développer. Si les économies de la Zone Franc optent pour une monnaie faible, leurs importations coûteront encore plus cher. Il faut aussi noter que pour exporter, il faut d'abord importer certains intrants qui permettent de produire comme les engrais…, que les pays africains ne peuvent pas fabriquer par leur faute. Depuis l'indépendance les pays africains par l'entremise du franc CFA ont accepté d'être à la fois les fournisseurs de matières premières et les consommateurs de ces mêmes matières premières pour le développement de la France qui a pu développer son industrie. Si la dévaluation à un petit laps de temps a été favorable aux pays de la Zone Franc, cela était dû à la hausse du dollar par rapport au franc, même si les prix de première nécessité avait doublé. Les exportations de ces pays avaient reçu un coup de fouet, revalorisant la croissance. Malheureusement les pays de la Zone n'ont pas su profiter de cet apport de devises, vite investies dans les banques françaises au lieu d'investir dans les outils de production, les transports et la formation. Pour qu'un pays se développe il faut deux leviers de commande principaux : d'une part une stabilité politique et économique et d'autre part une monnaie de son commerce extérieur qu'on maîtrise parfaitement. Maître Wade, en son temps, fustigeait à sa juste valeur le Franc CFA qu'il considérait comme la source de tous les problèmes des pays africains. A l'orée de la mondialisation qui ne fera que s'amplifier il est nécessaire que les pays africains en général et de la Zone Franc en particulier, à l'instar de l'Union européenne, se regroupent dans un ensemble politique et économique viable et crée leur propre monnaie qui se fera sous la forme d'un panier de monnaie. Il est temps que nos responsables politiques comprennent que seuls nous pourrons y arriver. En mettant les gens qu'il faut à la place qu'il faut. La France a ses propres problèmes économiques compte tenu de la crise pour vouloir aider d'autres. |
Il n'en demeure pas moins que la France reste avantagée d'où la nécessité de revoir les accords qui lient la France et les pays de la Zone Franc et surtout ceux élaborés en 1973.
Devant le choc pétrolier de 1971 la France avait trouvé la bonne astuce d'engranger des devises de la part des pays producteurs de pétrole en exigeant que les pays de la Zone Franc déposent une grande partie de leurs devises au trésor français pour satisfaire leurs spéculations boursières au seul bénéfice exclusif de la France.
Les pays de la Zone Franc sont trop diversifiés particulièrement au niveau de leurs exportations, les producteurs de pétrole ne sont pas soumis aux mêmes aléas que les autres, une dévaluation du franc CFA peut entraîner des résultats diamétralement opposés.
Pour gérer une économie il faut nécessairement deux leviers : une stabilité politique et une stabilité monétaire. Les pays de la Zone Franc doivent élaborer des règles de bonne gouvernance ; créer leur propre monnaie sous forme d'un panier de monnaie à l'instar de l'Euro. Cette union est facile si on est conscient que les états africains sont une pure invention de la colonisation qui nous a divisés pour bien régner. Sans une monnaie commune gérée une banque africaine, les pays africains ne trouveront jamais leur salut et leur place dans la mondialisation. Il faut nécessairement qu'ils harmonisent leur politique économique pour ne pas créer entre eux une concurrence qui profitera sans nul doute aux pays asiatiques en tant que nouveaux partenaires.
Il appartient à la jeunesse africaine, foi à leur avenir, dans un ensemble économique le plus large possible intégrant la majorité des pays africains, d'œuvrer la main dans la main pour une Afrique libérée de toute forme de colonisation, de tromperie et de contrats inégaux.
Il est fort à parier que c'est dans la lutte, dans le courage qu'on pourra y arriver.
Amadou DIALLO
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