Les femmes dans les sociétés africaines
Après la victoire des lionnes, les femmes comptent-t-elles dans la société africaine et sénégalaise?
Cette question n’a pas cessé, depuis plusieurs décennies, d’alimenter les discussions ou de permettre des prises de positions assez tranchées, au sein même de cette société, mais aussi et surtout en dehors de celle-ci. Dans des pays peuplés pour plus de la moitié de femmes, des réponses concrètes devront être élaborées pour que la femme trouve la place qui lui sied dans les sociétés africaines.
La victoire des lionnes est la preuve que les femmes au Sénégal ont beaucoup de mérites sinon même plus que les hommes. Depuis belles lurettes les victoires sénégalaises, surtout sportives en Afrique, sont le fait des femmes. Par cette victoire, la seule récompense valable est celle de votre patriotisme, votre amour pour ce pays dont les couleurs sont les vôtres.
Longtemps considérée dans certaines coutumes africaines, et même sénégalaises, comme inférieure à l’homme et devant se soumettre à lui, ou du moins comme une personne devant seulement s’occuper de son foyer, la femme africaine a fini par se mettre à l’écart de toutes les sphères de décisions même dans la société moderne. Elle devait obéir à ses parents, à son époux ou à son fils ; son avis n’étant presque jamais tenu en compte. Elle n’est pas consultée avant les prises de décisions même pour ce qui la concerne. Son rôle principal était non seulement de s’occuper du foyer mais aussi d’assurer la pérennisation de la famille : pour cela la femme sans enfant était peu considérée et même répudiée par son mari.
Bien que marquée encore par le poids de la coutume, la femme sénégalaise semble aujourd’hui sortir progressivement de ce stéréotype qui l’a longtemps caractérisée.
Le Sénégal est un de ces pays africains dans lesquels les femmes se sont mises, au fil des années, au premier plan dans la vie sociale, politique et économique. Dans l’histoire sénégalaise, les femmes sous le couvert de leur mari ont apporté beaucoup dans l’élaboration de notre nation. Devons-nous oublié l’acte de bravoure des femmes de Nder, qui le mardi 8 novembre 1819, se sacrifièrent collectivement pour ne pas tomber dans les mains d’esclavagistes maures ?
Leur entrée en politique d’une manière officielle, commence en 1946 avec le droit de vote, ce qui pourrait mettre un terme à leur marginalisation politique en rendant les femmes électrices et éligibles.
Pendant longtemps les femmes ont été beaucoup plus des consommatrices que des productrices des politiques nationales. Le multipartisme sénégalais a fait que la femme est sortie de son rôle de simple organisatrice de meetings ou de « tanne ber. » On inaugure une phase nouvelle où la femme cherche à se penser sans lien d’assujettissement, à s’ériger en citoyenne et surtout d’user de cette capacité. Les associations féminines sont devenues florissantes, ce qui a conduit au niveau étatique à la création du Fond national pour la promotion de l'entreprenariat féminin (FNPEF).
Les principaux éléments qui rendent minimes la participation des femmes à la vie de la cité dans ce monde moderne, surtout dans notre pays, sont : le taux élevé de l’analphabétisme, la faible participation ou intégration dans les activités socio-économiques et le poids des coutumes ou traditions.
Elles étaient totalement absentes des activités génératrices de revenus. Aujourd’hui, la pente connaît un réel redressement et il n’est pas rare de voir, dans certains foyers, la femme tenir le rôle traditionnel de l’homme, c’est-à-dire pourvoir aux besoins de la famille et même parfois prendre aussi en charge économiquement son mari. Ce qui fait dire à certains que le Sénégal vit aujourd’hui par la force et l’esprit d’initiative des femmes. Beaucoup d’hommes pris dans les mailles de la crise, incapables de répondre aux besoins de la famille, préfèrent passer de longs moments dans les mosquées ou dans les « grand place » laissant la femme seule faire du « gorgorlu » pour ramener à manger à la maison. Ainsi elles sont partout, dans les marchés, dans les champs, au puits ou dans les bureaux pour rapporter le minimum vital et tenir la famille. Les hommes, incapables de trouver solution aux difficultés inhérentes à la gestion calamiteuse du pays, fuient leurs responsabilités. Néanmoins, la plupart des femmes ne souhaitent pas remettre en cause les rapports conjugaux en bouleversant les normes établies.
La femme sénégalaise, quoi qu’on puisse dire, a une indépendance et une autonomie plus ou moins importante, selon les régions et la religion. Elle est aujourd’hui présente dans tous les domaines économiques « financier, agricole, commercial, ... » ; nombres d'entres elles sont arrivées aux plus hauts postes administratifs ou rangs sociaux du pays. Elles sont aujourd’hui : « députés, ministres, leader de parti politique, PDG... ».
Comme dans beaucoup de pays en voie de développement, l'illettrisme et l'analphabétisme des femmes, jadis cantonnées au rôle de mère de famille, sont importants au Sénégal et sont un frein à la croissance. Ils constituent en fait dans notre société moderne le point principal de la relégation de la femme en seconde zone. Dans le monde rural et dans une moindre mesure, dans le monde urbain, les parents investissent plus facilement dans le suivi scolaire du garçon que dans celui de la jeune fille. En effet, selon certaines statistiques, au Sénégal seulement 20% des femmes sont alphabétisées, contre 45% des hommes presque la moitié de la population. Depuis quelques années maintenant, le gouvernement sénégalais a mis sur pieds un programme de lutte contre l’analphabétisme et l’illettrisme. L’accent est surtout mis sur l’accès des jeunes filles à l’école au même titre que leurs compagnons garçons, avec la crise et une mauvaise gestion cet objectif est loin d’être atteint.
Longtemps, dans beaucoup de coutumes africaines, on a pensé que la scolarisation des filles n’était pas nécessaire, vu que celles-ci sont appelées, par les liens du mariage, à quitter leur famille d’origine. Mais force est de reconnaître que l’élévation du niveau d’éducation des filles a une incidence favorable sur la croissance économique. Une éducation, dépassant les dix ans de scolarisation, conduit, selon des études, à un pouvoir économique accru, à un taux de fécondité inférieur, à une amélioration de la survie infantile, et à une réduction de la mortalité liée à la maternité. Selon Mark Blackden, spécialiste principal des questions d'inégalité entre les sexes de la région Afrique à la Banque mondiale. «En Afrique subsaharienne, les efforts de lutte contre la pauvreté ont été entravés par la discrimination dont souffrent les femmes».
Dans certaines villes du pays et particulièrement dans la capitale, Dakar, on voit la situation s'inverser petit à petit et des experts pensent que d'ici cinq ans, la population féminine, au niveau lycée dans la région, sera supérieure à la population masculine.
Au Sénégal, les femmes détiennent quasi le monopole du petit commerce et de l’exploitation des fruits et légumes. En association ou de manière individuelle, elles sont présentes dans tous les marchés du pays. La micro entreprise est aussi un lieu dans lequel la présence féminine est très importante. «Il est évident que le manque d'accès des femmes aux ressources économiques, à la propriété et aux titres fonciers contribue à anéantir les efforts de lutte contre la pauvreté en Afrique [...] Les femmes africaines sont des agricultrices et exécutent 70% au moins, des tâches agricoles. L'agriculture est de loin, la principale source d'emplois et de revenus des pays au Sud du Sahara. Paradoxalement, une grande partie des revenus des activités économiques revient aux hommes, les femmes n'ayant pas leur mot à dire », explique Blackden de la Banque Mondiale.
Aujourd'hui, les femmes africaines sont de plus en plus actives dans le domaine de la micro finance. De fait, depuis quelques années, s’est développé au Sénégal un phénomène assez particulier et qui gagne de plus en plus du terrain, même en zone rurale. Ce nouveau phénomène est celui des « Tontines ».
Ce nom viendrait de Tonti : nom d’un banquier italien « Lorenzo TONTI » du XVII siècle. Son invention est la toute première tentative d’utilisation de lois de probabilité pour constituer des rentes.
Ce système d'épargne semble répandu sur l'ensemble du continent. Il est quasi exclusivement pratiqué par les femmes. La tontine est avant tout un système de répartition des ressources à l'échelon local, et elle dépasse rarement le cadre du petit groupe d’amis ou du quartier ou du village. Le principe de la tontine pratiquée au Sénégal est simple : chaque semaine la mère de famille donne une somme fixe « habituellement entre 500 et 1000CFA » et, mensuellement, une ou plusieurs familles se voient attribuer à tour de rôle, et généralement en présence de tout le groupe, une somme importante. Cette somme attribuée à l'avance permettra à la famille nécessiteuse d'avoir une importante somme avant que son tour suivant n'arrive.
Si ce système a connu et connaît encore de beaux jours, c’est certainement à cause d’une confiance mutuelle régnante entre les femmes qui composent ce groupe et qui se connaissent généralement toutes ; mais aussi à cause de leur solidarité, avec la possibilité du groupe d’intervenir dans des cas particuliers directement envers l’une d’entre elles qui éprouveraient des difficultés réelles. Il faut aussi préciser qu’avec la « Tontine », la personne ne rembourse pas le montant alloué, mais devra simplement s’acquitter de sa cotisation chaque semaine. Ce qui rend ce système plus acceptable que les banques traditionnelles pour nombre d’africains : c’est que dans la plupart des cultures, et particulièrement dans les cultures sénégalaises, les gens sont moins portés à contracter des dettes, mais plutôt à faire le troc ou l’échange. Sans oublier que, avec les prêts, les banques poursuivent en justice en cas de non remboursement et vous arrachent tout ce que vous leur devez.
Un des nombreux problèmes que rencontrent les femmes au Sénégal, et dans tant d’autres pays africains, est bien celui de la polygamie. Elle est massivement rejetée par les femmes qui de plus en plus optent pour la monogamie, même si au sein de certaines religions, traditionnelles et musulmanes, l’homme a droit à prendre plusieurs épouses. Celles qui s’y opposent le plus sont surtout celles qui sont instruites ou qui vivent en ville. Mais il faut reconnaître que cela n’est pas exclusif, parce qu’il n’est pas rare de rencontrer une intellectuelle deuxième épouse ou le contraire : une femme de zone rurale, peu ou presque pas instruite peut refuser un homme parce qu’il est déjà marié. La pression familiale ou sociale reste toujours forte et le mariage forcé ou arrangé existe encore. Les femmes, pour lutter contre les abus, ont créé des associations, mais parfois peu connues.
La culture, comme mode de vie d’un peuple quelconque avec ses expériences propres, plante toujours ses racines dans un passé plus ou moins lointain et qui le caractérise. Elle n’est pas une chose statique ; elle est appelée à évoluer, à se parfaire avec le temps et les nouvelles expériences faites par cette société. Le contact avec une culture étrangère a toujours été, et de manière souvent inconsciente, un moment d’échange, ou mieux, de copie et intégration mutuelles de certaines valeurs de l’autre, absentes ou moins en exergue dans l’une.
La rencontre avec la culture européenne a, dans ce sens, permis à la société africaine de prendre conscience, sur certains points, du rôle plus ou moins secondaire qu’occupe la femme. Cette situation ne semble pas générale, car il existe des sociétés africaines où la femme n’envie pas sa consœur européenne considérée comme la plus émancipée. Nous pouvons citer au Sénégal l’exemple de la Reine Aline Siloé qui a dirigé la résistance dans le royaume Diola Kassa au Sud du pays contre les colons européens.
S’il est vrai que la femme africaine, particulièrement sénégalaise, cherche encore à se frayer une place confortable dans la société du point de vue de l’égalité homme-femme, il n’en demeure pas moins qu’à ce jour, elle puisse se sentir de plus en plus autonome et libre dans ses activités quotidiennes, et de pouvoir, comme les hommes, exercer une activité génératrice de revenus qui lui soient propres.
Ce qui semble manquer le plus à la femme sénégalaise, c’est bien cette autonomie financière qui l’amènera à ne pas dépendre entièrement de l’homme ; mais aussi l’égalité des chances à l’éducation. La volonté politique de changer cette situation qui est un frein à la croissance même de ce pays pourra créer, et de manière peut-être imminente, une nouvelle force tant sur le plan économique, politique que social : la force féminine qui se présente de plus en plus en Afrique comme une voie obligatoire pour un développement durable et global.
Cette force fait que les femmes doivent porter leurs propres revendications pour sortir de leur exclusion et de leur marginalisation née de l’imaginaire masculin. Il est temps et le lieu de dire, au Sénégal les femmes occupent une grande place complètement ignorée par le pouvoir en place. La vitalité démocratique au Sénégal ne peut faire l’économie de l’effectivité de leur participation. Comme disait Abdou DIOUF : «Kou def lou rëy am lou rëy.»
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