DIALLOBEDUCATION

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L'esprit d'entreprise comme réponse aux problèmes d'emploi au Sénégal.

L’ESPRIT D’ENTREPRISE COMME REPONSE AUX PROBLEMES DE L’EMPLOI AU SENEGAL.

 

Pendant des millénaires, les techniques étant très peu évolutives, la richesse étant en quelque sorte prédéterminée, la question essentielle était celle du partage, avec sa contrepartie l’esclavage. Le travail est peu considéré, il est synonyme de médiocrité. La richesse est accaparée par une minorité qui s’assure le contrôle de la force de travail par l’esclavage. La richesse des uns suppose l’asservissement des autres. Les échanges commerciaux occupent une place marginale dans l’activité économique qui reste fortement liée au territoire. Néanmoins, la classe des marchands, spécialisés dans le commerce des produits fins, prisés par la haute société, tissus, épices, constitue un foyer d’échange d’informations, de contact des cultures et de développement. L’écriture inventée par les sumériens semble liée aux échanges culturels et au commerce.

 

Le christianisme, qui valorise le travail rural ne modifie pas fondamentalement l’ordre des choses. Le Haut Moyen Age est une époque d’insécurité et de contraction des échanges. La doctrine chrétienne valorise le travail rural, mais condamne le crédit, à l’instar au demeurant de l’Antiquité, négligeant le temps, le crédit supposant la renonciation à un usage plus immédiat de l’argent et la prise de risque qu’implique toute opération de crédit. En Afrique, particulièrement au Sénégal, beaucoup de marabouts et chefs religieux surtout les mourides donnent une grande force à la valeur travail. Le travail et les investissements humains, qui y sont liés,  sont considérés comme un des moyens d’accomplissement de la foi musulmane et une soumission au guide religieux.

 

Malheureusement, ce travail a beaucoup servi au colonisateur qui a extraverti les rendements de celui-ci, malgré le combat et l’opposition des grands dignitaires. La production agricole était tournée vers les produits d’exportation au grand désespoir des populations. On crée une agriculture avec une production tournée vers les exportations faisant que les populations sont obligées de réimporter des produits alimentaires dans un pays qui se considère comme agricole. Ainsi, l’acquisition des devises ne servait qu’à racheter des produits alimentaires et non à investir dans des projets rentables. Cette mentalité prévaut jusqu’à nos jours et a créé une dépendance et une déstructuration de la force de travail et de l’emploi. Le colonisateur a bien compris cela et jusqu’à nos jours les politiques continuent de jouer sur l’omnipotence et l’omniprésence des marabouts pour faire passer leur dessein. En accentuant l’esprit d’importation de produits manufacturés et en décourageant toute forme d’investissement, on a accentué la dépendance vis-à-vis de l’extérieur, ce qui naturellement limite le nombre d’entreprises capables de générer de l’emploi.

 

La situation de notre économie démontre qu’il y a un incontournable problème de l’esprit d’entreprise sans lequel nous ne pourrions que retourner aux sociétés statiques qui ont dominé pendant des millénaires nos sociétés. C’est pourtant à partir et par l’effet des croisades que se développe une activité commerciale et bancaire qui favorisera plus tard l’émergence du capitalisme. En fait le développement d’un esprit d’entreprise qui prendra son essor lors de la révolution industrielle est le produit d’une lente maturation au cours de laquelle interviennent de nombreux facteurs. Il est à noter que l’évolution des esprits et la croyance dans le progrès qui trouvera sa première formulation dans la philosophie des Lumières ne trouve pas son corollaire dans la société sénégalaise. Les quelques grandes familles dites « riches » au Sénégal ont leurs ressources acquises soit par l’apport du travail des talibés ou leurs relations avec de grandes fortunes étrangères. Cette situation fait qu’au décès du responsable il y a une destruction de la fortune de ce dernier, les héritiers se déchirent et dilapident tout. On peut citer en exemple : Diouga Kébé, Djily M’Baye  etc… Ceci est dommageable pour l’économie du pays, quand on sait qu’en France et dans les pays riches les plus grandes fortunes sont d’origine familiale : Mulliez, Citroën, Betancourt… En outre, le peu d’investissements répertoriés au Sénégal est constitué d’investissements à caractère concurrentiel ; c’est une histoire de phénomène de mode. Ainsi soit tout le monde investit dans la téléphonie, tout le monde investit dans les cyber-cafés ou dans des boutiques de rue. Il en découle une faillite inévitable et irréversible de ces entreprises entraînant à néant toute nouvelle forme d’initiative sous forme de nouvel investissement. 

La révolution industrielle née de l’esprit d’entreprise va reposer sur la conjonction de deux  phénomènes complètement nouveaux : d’une part l’accumulation qui veut qu’une partie du capital constitué par l’activité économique soit réinvestie pour assurer le développement futur de l’entreprise. Que l’investissement puisse produire de la richesse est une idée qui n’avait pas sa place dans une économie stationnaire, conditionnée plus par les phénomènes naturels que par le progrès technique.

 

D’autre part qu’il y ait une rencontre entre l’innovateur et l’entrepreneur, entre l’ingénieur et le marchand. Il semble bien que les premières entreprises au sens moderne du terme soient nées de l’initiative des marchands faisant travailler de plus en plus d’artisans pour les besoins du commerce en particulier dans le domaine du textile. La révolution industrielle voit toutefois éclore des entreprises. Le prototype de cette association nouvelle est donné par Watt, le technicien, non pas inventeur mais concepteur de la machine à vapeur à haut rendement et de Boulton, l’entrepreneur, homme d’affaires, qui saisit les possibilités d’application et de développement de la technique conçue par Watt. L’invention ne suffit pas. Il lui faut un marché potentiel. Ainsi naît le concept d’innovation.

 

Cette conjonction est fondamentale car, l’histoire des techniques est riche d’inventions qui sont restées sans débouchés. Ce n’est pas le progrès technique seul qui entraîne le développement, mais la conjonction du progrès technique et de l’esprit d’entreprise. La révolution industrielle verra s’enchaîner plusieurs vagues d’innovations majeures : chemin de fer, automobile, téléphone, dont les effets ne seront pas achevés alors que la suivante sera en train de naître. Avant la révolution industrielle, on connaissait le travail, dont la quantité, en économie stationnaire ou quasi stationnaire, est considérée comme limitée, et que l’on s’efforce de répartir au mieux, ce qui justifie les réglementations corporatistes.

 

Avec la révolution industrielle naît le concept d’emploi, notion dynamique qui varie en fonction de la conjoncture et en fonction de multiples paramètres qui font que certaines économies sont fortement créatrices d’emploi, et d’autres sont faiblement créatrices ou destructrices d’emploi. De ce point de vue, on constate aujourd’hui de fortes distorsions entre les économies. Il n’y a pas de crise mondiale, mais une crise africaine qui touche plus particulièrement certains pays africains, notamment le Sénégal, la Côte d’Ivoire etc. En revanche la Chine, les pays dits émergents atteignent des taux de croissance à deux chiffres à cause de leur capacité d’investissement dans des secteurs productifs, à leur quête d’innovation due à leur esprit d’entreprise et de production.

 

Que pensez alors de nos économies sous-développées, dans lesquelles l’esprit d’entreprise et d’investissement productif n’existe pas. On se limite à de simples investissements immobiliers, toute autre forme d’investissement est découragée soit par les responsables politiques ou tout simplement par des lobbies. On peut retenir comme exemple le lobby des sociétés d’importations de voitures qui refusent aux sénégalais le droit d’importer des véhicules de plus de 5 ans, alors que roulent sur les routes sénégalaises de véritables tombeaux ouverts.

Pour un développement économique, un pays a besoin de s’appuyer sur quatre leviers fondamentaux :

-          Il y a un lien important entre formation et développement, ce lien n’est pas simple à établir sur le court terme. Mais sur le long terme, le niveau de formation influe sur le niveau de développement. Une des meilleures illustrations en est la puissance de l’industrie chimique et de l’industrie mécanique allemande au XIXe siècle qui a été le fruit d’efforts entrepris de longue date dans le domaine de la formation scientifique et technique. Mais, il faut que la formation soit orientée dans le sens du développement technique et économique. Sur ce domaine, on peut vanter les mérites du système de formation allemand qui réserve au service public la formation générale, mais repose pour la formation professionnelle largement sur l’enseignement en alternance, la formation professionnelle quant à elle  doit relever des entreprises pourvu qu’elles existent.

 

-          Sur la question du rapport entre le progrès technique et le chômage, on peut rappeler que le progrès technique peut localement provoquer des réductions du nombre des emplois, en particulier quand il entraîne des gains de productivité non immédiatement compensés par une augmentation de la demande. Mais le progrès technique se traduit aussi par la conception de produits nouveaux qui sont demandés par les consommateurs, et là, le progrès technique crée directement de l’emploi. Ce phénomène a été décrit notamment par Joseph Schumpeter comme un phénomène de destruction-création dont l’entrepreneur est l’agent principal. D’où cette idée séduisante mais peu mise en pratique, tant la crainte de l’avenir est grande, qu’il est souvent préférable pour créer de l’emploi d’investir dans la recherche, l’innovation et la création d’entreprises, et donc le renouvellement du tissu économique, que de mettre de l’argent dans des entreprises dans le but de maintenir artificiellement l’emploi, d’investir dans des monuments de prestige ou tout simplement de thésauriser.

 

-          Quand à la question de savoir quel modèle d’entreprise était appelé à s’imposer dans l’avenir, on peut récuser l’idée qu’il y ait réellement un modèle sur lequel tout le monde doit copier. D’abord, la réalité présente et historique montre la coexistence d’une très grande diversité d’entreprises de diverses tailles et de divers types et âges. Ensuite, alors que certains auteurs prédisaient une poursuite du mouvement de concentration économique, depuis une dizaine d’années c’est l’inverse que nous observons, les petites et moyennes entreprises se développant beaucoup plus rapidement que les grandes. Et ce phénomène est universel. Il s’explique notamment par la recherche d’une plus grande souplesse des grandes entreprises qui préfèrent externaliser leurs activités ne correspondant pas directement à leur métier de base. Ainsi donc, l’investissement dans les petites et moyennes entreprises est un gage de réussite dans nos économies à moindre échelle.

 

-          Sur la question de savoir si la monnaie unique est susceptible d’avoir un effet bénéfique sur l’emploi, on peut estimer d’une part que la monnaie unique ou commune est un rempart contre les dévaluations ou flottements compétitifs, dont la France comme les pays africains ont pu souffrir et que d’autre part la monnaie unique est un instrument de puissance par rapport aux autres monnaies du commerce international. Cette monnaie commune africaine fera que les monnaies africaines ne soient pas dépendantes de fluctuations des autres monnaies qui ne sont généralement pas favorables à l’économie des pays africains. La rigueur économique imposée par la mise en place de la monnaie commune n’est pas directement imputable à celle-ci dans la mesure où cet effort d’assainissement, dans sa finalité, sinon dans le détail de ses modalités, était en tout état de cause nécessaire vu le niveau d’endettement public des pays africains.

 

Au Sénégal la maladie de l’argent est devenue une épidémie. L’argent est le propre ennemi de certains Sénégalais, qui a tout prix, veulent l’avoir, on n’hésite pas à mentir, voler ou même agresser des personnes. Le sénégalais est bien un capitaliste mais qui malheureusement comprend ce mot à l’envers. Dès que l’argent se présente, les projets se multiplient : une nouvelle maison, une deuxième épouse, une voiture et même le pèlerinage avec l’argent obtenu parfois dans des conditions peu orthodoxes. On ne pense jamais à investir dans des projets qui peuvent créer des emplois et de la richesse, avoir de l’argent oriente la noblesse. Au Sénégal l’argent est la principale valeur qui conditionne toutes les dérives, les fonctionnaires vident les caisses de l’Etat, sans même penser à la population de ce pays. Malheureusement cet argent est réinvesti à l’étranger ou alimente des comptes offshores au préjudice d’un pays qui manque fondamentalement de plans d’investissement judicieux. Même les projets d’investissements des migrants sénégalais se caractérisent par une préférence très marquée par les investissements immobiliers alors que les banques ne soutiennent que les projets de création d’entreprises.

 

Nous pouvons retenir que le peuple sénégalais a des dispositions naturelles pour l’esprit d’entreprise, la créativité, l’innovation, le goût du risque et le commerce. Ce sont d’ailleurs ces qualités qui font la prospérité des nations dans l’ère de la mondialisation. Mais les mœurs, les agissements et les pratiques depuis plus de trente ans ont malheureusement dénaturé ces acquis. Il faut désormais un changement radical des méthodes de gouvernement et des mentalités pour hisser notre pays au firmament des pays développés.

 

Amadou DIALLO



15/07/2010
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