Nationalité française; une histoire de lois.
Nationalité française : une histoire de lois.
« La nationalité française peut se définir comme le lien juridique reliant un individu à l’Etat français. Elle peut résulter d’une acquisition ou bien d’une attribution par filiation ou par la naissance en France de parents nés en France ».
Le parlement français vient de voter la loi sur la déchéance de la nationalité française. Cette loi fait que ce qui était une exception dans l’histoire de l’humanité est devenue un principe en France. La « double peine » est de retour, si tant est qu’elle ait véritablement disparu, depuis l’annonce, dans les années 2002-2003, par un ministre de l’intérieur Monsieur Nicolas Sarkozy, qu’il fallait en finir avec les peines complémentaires infligées à un délinquant étranger : la sanction pénale pouvait alors s’accompagner d’une expulsion vers le pays d’origine. Aujourd’hui, il s’agit, pour le même Nicolas Sarkozy, président de la République, en cas de crime particulièrement grave à l’encontre d’un représentant des forces de l’ordre ou de justice de retirer au délinquant d’origine étrangère sa nationalité française.
En effet, celui-ci ne peut être que d’origine étrangère soit noire, basanée ou asiatique. Cette sanction ne s’appliquera qu’aux français, qui il y a moins de dix ans étaient des étrangers. La France répartit ainsi ses nationaux en trois catégories : une minorité de français de souche, une d’origine étrangère de plus de dix ans et celle de moins dix ans. Cette dernière catégorie bénéficie de la carte de séjour type prémium ; soit ses membres se tiennent à carreau ou ils perdent leur privilège.
Que le chaos régnant dans certains quartiers nécessite une réponse ferme, chacun le souhaite. Que dans ces cités, socialement défavorisées, vivent un grand nombre de Français d’origine étrangère est une réalité : la délinquance y recrute donc ses auteurs, comme ses victimes d’ailleurs. Que la nationalité française s’accompagne de droits mais aussi de devoirs et du respect des lois de la République, il est urgent de l’enseigner. Ce travail d’éducation, de prévention ne doit pas seulement concerner les gamins de banlieue. L’éducation concerne tout le monde y compris les français de souche qui refusent toute forme d’intégration en rejetant d’autres français comme eux dans des banlieues ghettos ou dans des foyers sans avenir.
La France doit-elle être ce pays où on lance des propos belliqueux à d’autres français de teint différent, on déclare la guerre aux voyous, on dicte des mesures répressives sans oublier les projets de loi sécuritaires ; on envisage même des peines de prison pour les parents de mineurs délinquants sans oublier la suppression des allocations familiales seules ressources pour beaucoup de familles ? Partout on stigmatise, on se méfie, on cherche la petite bête et on légifère. Jamais dans cet arsenal législatif il n’existe un volet éducation, formation et sensibilisation.
La personne d’origine étrangère permet de recueillir des voies, de casser du front national. Elle permet de tourner l’attention des français sur les difficultés de l’heure, de briser l’élan de certains partis politiques extrémistes. Au risque pour le président de contredire le ministre qu’il fut, doit-on rompre le principe d’égalité entre les justiciables, en ajoutant pour certains une sanction à la sanction? La nationalité française serait ainsi à double vitesse et la nationalité acquise le serait sous condition. Une nationalité avec sursis, en quelque sorte soumise à la volonté du juge ou du législateur.
Malheureusement, les annonces et les lois répressives n’ont pas manqué ces dernières années, et pourtant les signaux alarmants en matière d’insécurité continuent de virer au rouge. Cette nouvelle loi sur la déchéance de la nationalité française en est une autre. Les gens de bonne foi ont des doutes sur les principes d’une telle politique, même quant à leur efficacité, pas seulement électorale.
Tout le monde sait que supprimer la nationalité française c’est tout simplement rendre une personne apatride. Cette situation est cause de nullité et entraîne le refus par le conseil d’état ou le conseil constitutionnel de son application. Ceci réduit cette disposition à une simple menace de plus portée aux personnes d’origine étrangère.
Il n’en demeure pas moins que depuis belle lurette, à la veille des élections, on n’hésite pas à instrumentaliser les immigrés comme les causes de tous les maux dont souffrent les français. En plus de rapporter de la richesse pour la France, la personne d’origine étrangère est aussi source de voix pour les politiciens indélicats. On peut constater en regardant bien les chiffres que la délinquance, en général décroit depuis 2002, mais personne ne nie l'augmentation des agressions sur personnes. Il est clair que la violence évolue et que la loi, l'action est toujours à la traine c’est à se demander les causes.
La Justice hésite à prendre des mesures fermes vis-à-vis des mineurs, soit pour des motifs éthiques, soit parce qu’elle est débordée. La police anticipe le manque de réactions de la Justice et a donc tendance à se montrer passive, à fermer les yeux sur bien des évènements. La durée moyenne de l’instruction est longue et a tendance à augmenter. Pourtant, si la sanction apparaît tardivement, le jeune a le sentiment d’être injustement traité et donc il a tendance à se révolter.
Même lorsque l’auteur est identifié, le délit est de moins en moins suivi d’une action judiciaire. Dans ¾ des cas où l’auteur est connu, l’intervention de la Justice aboutit à un classement sans suite. Les juges de la jeunesse donnent des instructions pour aboutir à la prescription ! L’appareil pénal, surchargé, se concentre sur les affaires qui lui semblent les plus graves et se débarrasse, par tous les moyens, des dossiers excédentaires. Plus la Justice tarde à agir, moins des mesures éducatives semblent s’imposer : la gravité des faits ne fait qu’augmenter.
La part des auteurs détectés par la police, pour les faits graves ne serait que de 15%, et même de 9% pour les faits peu graves ! Cela ne se traduit par une réponse efficace de l’appareil judiciaire que dans 1% des cas graves, et moins encore pour les autres ! Constat d’échec effarant. La Justice attend, de plus, que des faits graves soient perpétrés pour réagir : à ce moment, la dissuasion ou l’éducation a largement perdu de son efficacité. Pas étonnant que les délinquants éprouvent un sentiment d’impunité !
La Justice se prétend être saturée, pourtant elle n’est confrontée qu’à un pourcentage minime des délinquants de 2 à 5% ! Ceci signifie que renforcer la police n’a aucun sens, si on ne résout pas d’abord le problème de la Justice. Sinon, l’engorgement ne ferait que s’aggraver.
Enfin, les peines prononcées, même de prison, sont très loin d’être appliquées et il n’y a aucun suivi pour les peines alternatives. La seule peine vraiment dissuasive est pourtant la prison ferme, selon 89% des jeunes interrogés. Dans ces circonstances, il n’est pas étonnant que la seule réponse efficace des honnêtes citoyens consiste à fuir et à se fortifier dans des lieux protégés. Cette situation limite toutes formes d’intégration, ainsi on peut affirmer, seule la répression ne suffira surtout si elle n’a que des visées politiques ou répressives. Priver quelqu’un de sa nationalité par une loi tout juste une épée dans l’eau, de la fumée sans feu, un problème au-dessus d’un autre.
Une loi n’a de valeur que débarrassée de ses difficultés d’application, d’interprétation et d’acceptabilité. Elle est valable pour tous et non pour une catégorie précise d’une population dans un même pays. La nationalité n’est pas seulement une histoire de lois c’est aussi une envie et une volonté de vivre un même destin et une histoire commune.
Amadou DIALLO http://adiallo132009.blog4ever.com
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