La Charte du Mandé et de Kuruganfuga : première constitution africaine ou universelle ?
La Charte du Mandé et de Kuruganfuga : première constitution africaine ou universelle ?
Depuis l’indépendance à nos jours, les anciennes colonies françaises continuent à se battre pour faire de la constitution de 1958 leur héritage constitutionnel. Mais en revoyant l’histoire africaine, n’a-t-on pas le droit de se demander si les droits affirmés par la chartre du Mandé proclamée en 1222 par Soudjata KEITA, empereur du Mali, et celle de Kuruganfuga en 1235, ne sont pas d’une étonnante modernité ponctuée d’une troublante actualité ? Peut-on toujours demander d’une façon péremptoire aux africains de continuer à importer leur constitution de l’ancienne métropole ? Cette chartre de Mandé pourrait-elle ou devrait-elle inspirer aujourd’hui les constituants, les juges et les élus des pays du continent africain ?
La réponse à toutes ses questions se trouve dans l’instabilité constitutionnelle qui gangrène la plupart de ces pays depuis l’indépendance à nos jours. Ainsi au « bougisme » constitutionnel cher à Abdoulaye Wade au Sénégal, qui n’a pas hésité à modifier la constitution sénégalaise seize fois en 10 ans, aux coups d’états constitutionnels et aux dévolutions monarchiques constitutionnelles a donc succombé le mot d’ordre « Touche pas à ma Constitution » du 23 juin 2011 au Sénégal.
Ceci montre à l’évidence que ces constitutions héritées de la colonisation étaient loin de satisfaire aux attentes de nos populations. Elles paraissent être une nouvelle forme de colonisation qui ne dit pas son nom. Nouvellement indépendants et fragilisés par des frontières héritées de la colonisation, ces pays se sont faits forts de considérer que le seul legs hérité de l’ancien colonisateur était positif.
L’évolution politique et institutionnelle de ces pays, jalonnée d’instabilités qui paraissent insurmontables, montre que les pays dits émergents sont ceux-là même qui ont réussi leur indépendance en s’inspirant en grande partie de leur héritage culturel et politique spécifique. Que ça soit dans l’élaboration de leur constitution, l’éducation des populations et la gestion de leurs ressources économiques, ils ont puisé dans leur histoire propre les normes de leur développement. Au même moment l’Afrique mère de l’humanité paraissait issue de nulle part sans passé, sans histoire et sans culture.
C’est dans le cadre d’un rappel historique de l’évolution de notre continent que j’aimerais revenir sur l’histoire de deux chartres qui ont régi l’empire du Mali des siècles et des siècles durant. Les « Droits de l’Homme » sont aujourd’hui universels. Mais, où et quand ont-ils été proclamés pour la première fois ? Certainement pas en un lieu unique d’où ils auraient gagné le monde entier.
Dans l’Afrique soudanaise, ils sont énoncés dès la fin du 13è siècle, bien avant ceux écrits par la France, par la corporation des chasseurs, dont Soudjata, le fondateur de l’empire du Mali, était aussi la figure la plus brillante.
Il faut resituer ces chartres dans leur contexte, elles ont été écrites entre 1222 et 1236 lors de la consécration de Soudjata Keita comme empereur de l’empire du Mali, et en les parcourant l’on comprend aisément que moyennant quelques « mises à jour », elles sont absolument et profondément actuelles. La plupart de ces messages ont une portée bien au-delà des expressions imagées utilisées pour les exprimer. Des textes fondamentaux, à découvrir et à méditer pour le développement de notre continent.
1) Histoire La charte du Mandé ou la naissance de l’Empire du Mali
Bien qu’ils soient confrontés depuis longtemps à l’influence de l’Islam et aux valeurs de la colonisation civilisatrice chrétienne, que certains se targuent encore de prôner en Afrique noire, niant ainsi l’histoire et la culture de ses peuples, dont celles des Malinkés et Bambaras, ainsi que les groupes ethniques qui leur sont apparentés ; les membres de la confrérie des chasseurs, leurs premiers héros civilisateurs, fondateurs de la plupart des villages de l’ouest africain, n’en continuent pas moins d’enseigner des valeurs morales et spirituelles universelles.
Leur enseignement porte essentiellement sur la fraternité, l’amour du prochain, la protection des faibles et des orphelins, la lutte contre la tyrannie et l’arbitraire, d’où qu’ils viennent. Tout postulant à cette confrérie doit prononcer les vœux suivants : « les chasseurs n’ont de mère et de père que Sanèné et Kòntròn et de frères que les chasseurs, quel que soit leur race, leur religion ou leur rang social ; ils ne sont d’aucun pays, ne reconnaissent aucune frontière, leur patrie étant la brousse, c’est-à-dire partout où se trouvent le gibier ».
C’est au nom de ce credo qu’ils vont, devant les progrès de l’Islam à partir du début du XIII° siècle, organiser la lutte sans merci contre l’esclavage et la traite des non musulmans, notamment noirs, vers le nord musulman, le Maghreb et le Proche-Orient.
Tout commence pour le Mandé, berceau du futur empire du Mali (1212-16..), à la suite de la conversion à l’Islam du roi Baranadama, et ce à la suite d’une grande sécheresse qui avait éprouvé son pays, le Mandé. Celui-ci est alors devenu pour les musulmans, le champ de capture par excellence des esclaves. Ce fut la chasse aux non musulmans, la mise à mort de plusieurs prêtres de la religion traditionnelle et la destruction des fétiches.
Ainsi l’esclavage va s’étendre et atteindre son paroxysme avec l’arrivée massive des musulmans et surtout des Maures, se disant aussi marabouts. Auparavant, le prisonnier de guerre, appelé « djòn » ou esclave, devait pour payer son crime travailler au profit des veuves, enfants et parents de ceux morts par sa faute à la guerre. Les descendants de tels prisonniers ne pouvaient être ni battus, ni humiliés, a fortiori vendus ou mis à mort. Cet état de servage communément appelé « esclavage domestique », constituait la réparation institutionnalisée en pays mandingue.
L’esclavage dit « rouge », inhumain, instauré par les musulmans, notamment arabes et berbères et plus tard par les européens, jurait avec cette loi-là. C’est pour mettre fin à ce crime odieux devenu un fait banal avec l’expansion de l’Islam, que les chasseurs et les tenants de la religion traditionnelle vont se mobiliser pour l’abolir. Avant eux, Soumahoro Kanté, né au Mandé, de la caste des forgerons du Sosso, voyant les caravanes d’esclaves enchaînés remontant vers les pays arabes, alla trouver les nobles malinkés qui étaient tous des esclavagistes invétérés pour le suivre dans son combat pour l’abolition de l’esclavage. Devant leur refus de s’associer à un forgeron, « un homme de peu de valeur » selon eux et dont la raison d’être est de fabriquer les armes leur permettant de défendre leur pays contre les prédateurs, Soumahoro devint le plus grand esclavagiste que le Mandé ait jamais connu. Il revint du nord avec une très grande cavalerie, jusque-là inconnue des Malinkés et détruisit les plus grandes métropoles de ce pays, dont Sòbè, Bali, Niani-Kouroula, Dakadjalan et surtout Karatabougou, la cité aux soixante quartiers fortifiés, patrie de son neveu Fakoly Doumbia, le général en chef de ses armées.
Devant ce désastre, Soudjata Keïta, un simbo ou maître chasseur, qui vivait dans le nord en exil depuis son jeune âge, voyant que les esclaves transitaient entre les mains des berbères, des maures et des soninké musulmans pour aller vers le Maroc, en Libye et en Egypte, conçoit d’éteindre l’esclavage jusque dans son essence. Nourri par l’éducation de sa mère, Soudjata s’écriait souvent : « Pour qu’un pays vive et s’ouvre à la prospérité, il doit contenir des hommes, sinon il connaîtra la désolation et la tristesse. L’homme est le joyau de la terre, donc il doit être protégé ».
Pendant plus de cinq ans, Soudjata va mobiliser la grande majorité de ses confrères chasseurs du Wagadou, du Sahel, des rives du lac Débo et du Sénégal, constituant ainsi La grande armée de libération du Mandé de la tyrannie de Soumahoro. Les batailles et les victoires se succèdent, dans la grande plaine de Krina d’abord, puis à Sibi, Kri et Naréna où l’armée du Sosso est anéantie.
De retour à Dakadjalan en 1212, Soudjata et ses confrères élaborent le serment des chasseurs, communément appelé Charte du Mandé, visant à abolir à tout jamais l’esclavage et la traite des esclaves. « Tant que nous détiendrons le carquois et l’arc, jurèrent-ils au triangle dankun, lieu de culte par excellence des chasseurs, aucun Malinké ne sera désormais vendu ou troqué contre du sel gemme ou des chevaux ». Dix ans durant, ils vont mener une lutte sans merci contre les esclavagistes de tout pays. C’est alors qu’ils intronisent en 1222, date à laquelle la comète dite de Halley apparut dans le ciel du Mali, Soudjata comme Mansa ou empereur du Mandé tout entier. A cette occasion, on déclama solennellement la Charte du Mandé, qui stipule le respect de la vie et de la personne humaine, la lutte contre toute discrimination ethnique et raciale, la liberté d’entreprendre, d’aller et de venir et le respect des lois du Mandé nouveau.
CHARTRE DU MANDE
1. Les chasseurs déclarent :
Toute vie (humaine) est une vie.
Il est vrai qu’une vie apparaît à l’existence avant une autre vie,
Mais une vie n’est pas plus « ancienne », plus respectable qu’une autre vie,
De même qu’une vie n’est pas supérieure à une autre vie.
2. Les chasseurs déclarent :
Toute vie étant une vie,
Tout tort causé à une vie exige réparation.
Par conséquent,
Que nul ne s’en prenne gratuitement à son voisin,
Que nul ne cause du tort à son prochain,
Que nul ne martyrise son semblable.
3. Les chasseurs déclarent :
Que chacun veille sur son prochain,
Que chacun vénère ses géniteurs,
Que chacun éduque comme il se doit ses enfants,
Que chacun « entretienne », pourvoie aux besoins des membres de sa famille.
4. Les chasseurs déclarent :
Que chacun veille sur le pays de ses pères.
Par pays ou patrie, faso,
Il faut entendre aussi et surtout les hommes ;
Car « tout pays, toute terre qui verrait les hommes disparaître de sa surface
Deviendrait aussitôt nostalgique ».
5. Les chasseurs déclarent :
La faim n’est pas une bonne chose,
L’esclavage n’est pas non plus une bonne chose ;
Il n’y a pas pire calamité que ces choses-là,
Dans ce bas monde.
Tant que nous détiendrons le carquois et l’arc,
La faim ne tuera plus personne au Mandé,
Si d’aventure la famine venait à sévir ;
La guerre ne détruira plus jamais de village
Pour y prélever des esclaves ;
C’est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable
Pour aller le vendre ;
Personne ne sera non plus battu,
A fortiori mis à mort,
Parce qu’il est fils d’esclave.
6. Les chasseurs déclarent :
L’essence de l’esclavage est éteinte ce jour,
« D’un mur à l’autre », d’une frontière à l’autre du Manden ou Mandé ;
La razzia est bannie à compter de ce jour au Manden ou Mandé ;
Les tourments nés de ces horreurs sont finis à partir de ce jour au Manden.
Quelle épreuve que le tourment !
Surtout lorsque l’opprimé ne dispose d’aucun recours.
L’esclave ne jouit d’aucune considération,
Nulle part dans le monde.
7. Les gens d’autrefois nous disent :
« L’homme en tant qu’individu
Fait d’os et de chair,
De moelle et de nerfs,
De peau recouverte de poils et de cheveux,
Se nourrit d’aliments et de boissons ;
Mais son « âme », son esprit vit de trois choses :
Voir qui il a envie de voir,
Dire ce qu’il a envie de dire
Et faire ce qu’il a envie de faire ;
Si une seule de ces choses venait à manquer à l’âme humaine,
Elle en souffrirait et s’étiolerait sûrement.»
En conséquence, les chasseurs déclarent :
Chacun dispose désormais de sa personne,
Chacun est libre de ses actes,
Chacun dispose désormais des fruits de son travail.
Tel est le serment du Manden
A l’adresse des oreilles du monde tout entier.
2) Histoire de la chartre de Kurukanfuga
En 1235, à Kurukanfuga dans le cercle de Kangaba au Mali, situé à 90 Km de Bamako, l’Empereur du Mali, Soudjata réunit les différents rois et chefs de provinces afin de définir les règles fondamentales de son empire. Kurukanfuga est un site touristique du Mali. Il suscite actuellement des intérêts historiques et culturels comme en témoignent les rencontres et forums internationaux qu’il a abrité ces dix dernières années. Récemment, il a été classé au patrimoine culturel national.
« Chacun a droit à la vie et à la préservation de son intégrité physique », « il y a cinq façons d’acquérir la propriété: l’achat, la donation, l’échange, le travail et la succession ». Tels sont les termes de la charte de Kuruganfuga. Tout y est affirmé avec une précision et une concision surprenante. Les dispositions portent sur le droit de la propriété, le droit pénal, le droit de la famille, le droit civil, et même le droit constitutionnel…
Alors que certains articles paraissent archaïques, d’autres contiennent des principes fondamentaux, encore d’actualité aujourd’hui. Il s’agit d’un véritable code juridique des droits et libertés privées et publiques régissant notamment les rapports entre les membres de la communauté, au sein d’un vaste espace qui pourrait rivaliser avec les Etats fédéraux modernes.
Cette charte, tout en prévoyant l’organisation sociale, enseigne notamment la tolérance « ne faites jamais de tort aux étrangers », la fraternité « venons en aide à ceux qui en ont besoin » et le respect ainsi que la place faite aux femmes et la promotion de leurs droits. « N’offensez jamais les femmes, nos mères », « les femmes en plus de leurs occupations quotidiennes doivent être associées à tous nos gouvernements ». N’est-ce pas le début de la parité chère à Abdoulaye Wade et à Sarkozy.
Cette charte orale, datant du Moyen Âge, démontre parfaitement que la pensée juridique africaine a un caractère humaniste et protecteur des droits sociaux et politiques des femmes et révèle également toute la prématurité de l’esprit démocratique existant au sein des sociétés de l’ouest Africain au 13ème siècle. Il a été transmis à l’oral, par « les maîtres de la parole », les « griots », caste spécialisée dans la conservation et la transmission de la mémoire d’une société tant dans ses aspects historiques que culturels.
La tradition orale explique que cette charte est inconnue en dehors de l’Afrique. Toutefois, une analyse de ses articles et des sources concordantes laissent à croire qu’elle est d’inspiration religieuse et empreinte des influences et croyances et coutumes rapportées de l’Egypte ancienne ou de l’empire du Ghana du IXe et Xe siècle. En tout cas, elle serait le résultat condensé de l’essentiel des valeurs sociétales de cet ensemble historique et géographique.
Ce texte de 44 articles est un « trésor vivant » pour l’Afrique. Cette chartre a été proclamée au Moyen Âge, plus de cinq siècles avant la déclaration universelle des droits de l’homme en 1789, une vingtaine d’années seulement après la Charte des libertés d’Angleterre en1215 et plus de cinq siècles avant la déclaration des droits aux Etats-Unis en1787.
Cette Charte américaine a été précédée par celle du Mandé ou Manden qui abolissait l’esclavage pour la première fois dans l’histoire du monde. Certains ethnologues conviennent à dire qu’elle constitue une avancée notoire car, contrairement à celle de Kurukanfuga, elle avait pour objet de régir le Mali alors qu’il n’était encore qu’un royaume, puisqu’elle fût proclamée dès l’intronisation de Soudjata en 1222 et ceci bien avant toutes les déclarations d’abolition et anti-esclavagiste connues de nos jours.
Quant à la Charte de Kurukanfuga, des controverses subsistent entre les ethnologues quant à ses positions sur le statut de l’esclave qu’elle maintient selon certains ; d’autres sources considèrent qu’elle entame une abolition de l’esclavage en maintenant des brigades anti-esclavagistes issues de la charte du Manden.
Pour apporter une piste de réflexion à ce débat, notons que Kurukanfuga a introduit une égalité entre le temps de travail de l’esclave et celui des hommes libres en lui octroyant un jour de repos par semaine de même qu’elle lui reconnaît le droit à la propriété à travers le distinguo entre l’esclave et son bien : « On est maitre de l’esclave et non du sac qu’il porte » .
Par ce nouveau statut de l’esclave, on perçoit, sans s’opposer à ceux qui soutiennent que la charte ne mentionne pas expressément l’abolition de l’esclavage, qu’elle tend vers l’abolition. Il faut garder à l’esprit que la charte de Kurukanfuga reste, comme toute constitution politique, un instrument permettant de concilier des intérêts divergents et de gouverner des royaumes signataires, tous esclavagistes à l’exception du Manden. Ainsi, la volonté politique sous-jacente vise à une évolution progressive consensuelle des droits de l’esclave sans créer des conflits d’intérêts faisant échouer ce projet de constituer un vaste ensemble durable. Ceci est démontré par la survivance de la charte huit siècles après dans la plupart des pays de l’Afrique occidentale.
La charte de Kurukanfuga a servi de critère prépondérant dans le choix du Mali comme pays devant présider la Communauté des Démocraties, de 2005 à 2007, devant l’Afrique du sud. « Cette distinction portée sur le Mali est notamment due, selon le rapport de la présidence malienne, par le passé d’un pays qui s’est doté d’une charte de gouvernement en 1236 à Kurukanfuga, avant l’ère des constitutions modernes. » dixit Le Républicain - quotidien malien - du 06/07/2009.
Enfin, Kurukanfuga s’impose à travers sa Charte comme un « fossile juridique », d’une valeur sans égale, redonnant, à l’Afrique, toute sa place dans l’émergence et la construction de la conscience juridique universelle.
CHATRE DU Kurukanfuga
Les représentants du mandé primitif et leurs alliés, réunis en 1236 à Kurukanfuga « actuel cercle de Kangaba en République du Mali » après l’historique bataille de Kirina ont adopté la charte suivante pour régir la vie du grand ensemble mandingue.
I – DE L’ORGANISATION SOCIALE:
Article 1er: La société du grand mandé est divisée en seize (16) porteurs de
Carquois, cinq (5) classes de marabouts, quatre classes (4) de
Nyamakalas. Chacun de ces groupes a une activité et un rôle
Spécifiques.
Article 2: Les nyamakalas se doivent de dire la vérité aux Chefs, d’être leurs
Conseillers et de défendre par le verbe les règles établies et l’ordre sur
l’ensemble du royaume.
Article 3: Les morikanda Lolu (les cinq classes de marabouts) sont nos maîtres
et nos éducateurs en islam. Tout le monde leur doit respect et
considération.
Article 4: La société est divisée en classes d’âge. A la tête de chacune d’elles est
élu un chef. Sont de la même classe d’âge les personnes (hommes ou
femmes) nées au cours d’une période de trois années consécutives.
Les Kangbès (classe intermédiaire entre les jeunes et les vieux) doivent être conviés pour participer à la prise des grandes décisions concernant la société.
Article 5: Chacun a le droit à la vie et à la préservation de son intégrité
physique. En conséquence, toute tentation d’enlever la vie à son
prochain est punie de la peine de mort.
Article 6: Pour gagner la bataille de la prospérité, il est institué le Kön¨gbèn
Wölö (un mode de surveillance) pour lutter contre la paresse et
l’oisiveté.
Article 7: Il est institué entre les mandenkas le sanankunya (cousinage à
plaisanterie) et le tanamanyöya (forme de totémisme). En
conséquence, aucun différent né entre ces groupes ne doit dégénérer,
le respect de l’autre étant la règle.
Entre beaux-frères et belles-sœurs, entre grands-parents et petits-enfants, tolérance et le chahut doivent être le principe.
Article 8: La famille KEITA est désignée famille régnante sur l’empire.
Article 9: L’éducation des enfants incombe à l’ensemble de la société. La
puissance paternelle appartient en conséquence à tous.
Article 10: Adressons-nous mutuellement les condoléances.
Article 11: Quand votre femme ou votre enfant fuit, ne le poursuivez pas chez le
voisin.
Article 12 : La succession étant patrilinéaire, ne donnez jamais le pouvoir à un
fils tant qu’un seul de ses pères vit.
Ne donnez jamais le pouvoir à un mineur parce qu’il possède des liens.
Article 13: N’offensez jamais les nyaras.
Article 14: N’offensez jamais les femmes, nos mères.
Article 15: Ne portez jamais la main sur une femme mariée avant d’avoir fait
intervenir sans succès son mari.
Article 16: Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes doivent être
associées à tous nos Gouvernements.
Article 17: Les mensonges qui ont vécu 40 ans doivent être considérés comme
des vérités.
Article 18: Respectons le droit d’aînesse.
Article 19: Tout homme a deux beaux-parents: Les parents de la fille que l’on
n’a pas eue et la parole qu’on a prononcé sans contrainte aucune. On
leur doit respect et considération.
Article 20: Ne maltraite, pas les esclaves, accordez leur un jour de repos par
semaine et faites en sorte qu’ils cessent le travail à des heures
raisonnables. On est maître de l’esclave et non du sac qu’il porte.
Article 21: Ne poursuivez pas de vos assiduités les épouses: du Chef, du voisin,
du marabout du féticheur, de l’ami et de l’associé.
Article 22: La vanité est le signe de la faiblesse et l’humilité le signe de la
grandeur.
Article 23: Ne vous trahissez jamais entre vous. Respectez la parole d’honneur.
Article 24: Ne faites jamais du tort aux étrangers.
Article 25: Le chargé de mission ne risque rien au Mandé.
Article 26: Le taureau confié ne doit pas diriger le parc.
Article 27: La jeune fille peut être donnée en mariage dès qu’elle est pubère sans
détermination d’âge. Le choix de ses parents doit être suivi quelques
soit le nombre des candidats.
Article 28: Le jeune homme peut se marier à partir de 20 ans.
Article 29: La dote est fixée à 3 bovins: un pour la fille, deux pour ses père et
mère.
Article 30: Venons en aide à ceux qui en ont besoin.
II – DES BIENS:
Article 31: Il y a cinq façons d’acquérir la propriété: l’achat, la donation,
l’échange, le travail et la succession. Toute autre forme sans
témoignage probant est équivoque.
Article 32: Tout objet trouvé sans propriétaire connu ne devient propriété
commune qu’au bout de quatre ans.
Article 33: La quatrième mise-bas d’une génisse confiée est la propriété du
gardien.
Article 34: Un bovin doit être échangé contre quatre moutons ou quatre chèvres.
Article 35: Un œuf sur quatre est la propriété du gardien de la poule pondeuse.
Article 36: Assouvir sa faim n’est pas du vol si on n’emporte rien dans son sac
ou sa poche.
III – DE LA PRESERVATION DE LA NATURE:
Article 37: Fakombè est désigné Chef des chasseurs. Il est chargé de préserver la
brousse et ses habitants pour le bonheur de tous.
Article 38: Avant de mettre le feu à la brousse, ne regardez pas à terre, levez la
tête en direction de la cime des arbres.
Article 39: Les animaux domestiques doivent être attachés au moment des
cultures et libérés après les récoltes. Le chien, le chat, le canard et la
volaille ne sont pas soumis à cette mesure.
III – DISPOSITIONS FINALES:
Article 40: Respectez la parenté, le mariage et le voisinage.
Article 41: Tuez votre ennemi, ne l’humiliez pas.
Article 42: Dans les grandes assemblées, contentez-vous de vos légitimes
représentants et tolérez-vous les uns les autres.
Article 43: Balla Fassèkè KOUYATE est désigné grand Chef des cérémonies et
médiateur principal du mandé. Il est autorisé à plaisanter avec toutes
les tribus en priorité avec la famille royale.
Article 44: Tous ceux qui enfreindront à ces règles seront punis. Chacun est
chargé de veiller à leur application.
Les représentants du mandé primitif et leurs alliés, réunis en 1236 à Kurukanfuga (actuel cercle de Kangaba en République du Mali) après l’historique bataille de Kirina ont adopté la charte suivante pour régir la vie du grand ensemble mandingue.
L’étude de ses deux chartres montre que dans tous les domaines de la vie des sociétés même dans l’écologie, nos ancêtres avaient les dispositions pour leur gestion. Il ne s’agit pas pour les constituants africains de singer les articles et les libellés des constitutions issues de la colonisation. Il urge, sans angélisme ni scepticisme inutile, pour chacun de nous d’analyser les échecs et les réussites de chacune de nos constitutions.
Depuis 1990, nos normes ont subi tellement de changements qu’il faut changer de paradigme pour rendre intelligible la chose constitutionnelle africaine. N’est-ce pas alors le moment pour les rédacteurs de nos chartres fondamentales de faire bon usage des outils de la science actuelle du droit en plus de s’inspirer de nos traditions juridiques qui existaient avant même celles des occidentaux ! L’Afrique est notre continent, il sera ce qu’en feront les enfants et les fils d’Afrique. L’historien guinéen Djibril Tamsir NIANE, qui a fait le tour des 44 articles, a insisté sur la richesse de cette Charte, en se demandant même si le continent africain n’en regorge pas d’autres que les recherches pourraient divulguer.
Seulement, se demande-t-il, il revient aux gouvernants actuels d’œuvrer à une reconnaissance de cette richesse en introduisant des programmes scolaires et des politiques de développement inspirées de l’histoire africaine pour en profiter réellement sans copier tout ce qui vient d’ailleurs.
Pour le Pr. Tamsir NIANE, il est nécessaire, pour bien fonder l’esprit de nos enfants et dans le cadre de la renaissance africaine, « de valoriser nos savoirs locaux et traditionnels, en vue de les mettre à la disposition de nos écoles ».
L’Afrique pré coloniale, selon Djibril T. NIANE, doit être une source d’inspiration pour les chercheurs africains qui s’activent autour de la mise en place de la Charte africaine. Ces derniers doivent faire recours aux acquis historiques africains pour pouvoir l’édifier dans de très bonnes conditions.
Amadou DIALLO http://www.diallobeducation.com/
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