DIALLOBEDUCATION

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Côte d'Ivoire: c'est le temps de la realpolitik internationale.

Côte d’Ivoire : c’est le temps de la realpolitik internationale.

 

Les partisans de Monsieur Alassane Ouattara en Côte d'Ivoire ont peiné lundi à mobiliser pour une grève générale destinée à pousser vers la sortie Monsieur Laurent Gbagbo. La seule chose qu’ils ont réussi à faire a été de s'accaparer de l'ambassade ivoirienne à Paris, jusque-là aux mains du camp adverse. Plongée dans une grave crise depuis la présidentielle du 28 novembre, marquée par des violences meurtrières, la Côte d’Ivoire est suspendue à la visite ce mardi 28/12/2010 de la troïka des chefs d'Etat ouest-africains.

Depuis cette date du 28 novembre 2010, le bruit de cloche est unanime pour accuser Monsieur Laurent Gbagbo d’usurpation du pouvoir. Il est accusé par la communauté internationale de n’avoir pas respecté les accords signés avec elle pour l’organisation et la certification des élections présidentielles dans son pays. Il n’est plus nécessaire de revenir sur les différentes péripéties qui ont abouti à ce qu’aujourd’hui en Côte d’Ivoire, nous avons un président légitimé par la communauté internationale et un autre légitimé par le conseil constitutionnel de son pays.

Ainsi, le refus par Gbagbo d’obtempérer a fait couler beaucoup d’encre et le torrent de salive a rempli des océans de discussions. Dans tout ce tintamarre, on semble oublier que le monde actuel fonctionne sur la base de la realpolitik. Chaque pays ne fonctionne que dans cet unique but. Il se trouve qu’à elle seule, la Côte d’Ivoire conforte en permanence l’état excédentaire des comptes d’opération des pays de l’UEMOA ouverts auprès du Trésor français, condition de base de la garantie de la France au franc CFA. Ce pays a une capacité de plus de 40% sur la manne financière de la zone Franc CFA.

Malheureusement ces mêmes pays de l’UMEOA sont en connivence avec la France et la communauté internationale pour bouter le président Gbagbo hors de la Côte d’Ivoire. Mais, il faut regarder de plus près tous ces présidents de l’UMEOA ou africains qui reprochent à Laurent Gbagbo tous les péchés du monde, la plupart de ceux-là sont arrivés au pouvoir à la suite d'opérations douteuses, de manœuvres dilatoires ou s'accrochent obstinément à la tête de leur pays dont ils ont fait leur propriété privée... Nous savons tous qu'en Afrique noire les élections sont souvent truquées, les élus sont corrompus, la fraude dans tous les domaines est un sport national, la concussion une règle, la compromission fait office de programme. L'assassinat politique avec l'aide parfois de lointains complices la plupart occidentaux est un moyen inéluctable pour accéder au pouvoir. Ce n’est pas le lieu ici de donner la liste de tous ses présidents qui pratiquent la dévolution monarchique du pouvoir ou l’assassinat politique.

Le combat de la communauté internationale est le résultat du forcing du « Boulanger » d’Abidjan qui n’a pas hésité à rouler tout le monde dans la farine pour se maintenir au pouvoir. Devant le fait accompli et cette nouvelle forme de confiscation du pouvoir, on veut lui faire regretter cette forfaiture. Mais la France n’est pas la métropole de la Côte d’Ivoire comme l’affirme Alain Juppé dans un lapsus révélateur. Le mot « métropole » lui a-t-il échappé ou l’a-t-il employé sciemment pour désigner le pays que les ressortissants français sont invités à regagner en quittant la Côte d’Ivoire ? En fait, Freud, expert en lapsus, dirait que ça ne change rien à l’affaire dans l’un et l’autre cas.

Le rôle de la CEDEAO et l’UMEOA est avant tout de travailler au développement économique d’abord de la sous-région et à l’intégration des économies africaines. Peu importe les modifications de statuts qui peuvent s’opérer dans ces institutions, elles n’ont pas pour vocation de faire la guerre aux autres membres, ni d’être leurs gendarmes.

La mise en ballotage de l’économie ivoirienne produira sans aucun doute des conséquences macroéconomiques non négligeables et qui seront différenciées selon que l’on considère l’impact sur les pays « enclavés » comme le Burkina, le Mali, ou encore le Niger, mais aussi sur les pays côtiers dits « de transit » comme le Togo, le Sénégal, le Bénin et hors UEMOA, qui, comme la Guinée et le Ghana constituent des corridors d’approvisionnement alternatifs à la Côte d’Ivoire pour les pays enclavés. Ces derniers seront donc certainement les plus touchés tandis que l’impact est jugé « positif » pour les pays côtiers, se traduisant par un surcroît d’activité portuaire et de transport, avec des dépenses induites sur le carburant entraînant donc une hausse de recettes fiscales correspondantes. C’est, en tout cas ce que l’on peut avancer notamment si on considère la situation qui a prévalu en 2002 alors que les flux détournés de Côte d’Ivoire s’étaient partagés entre les ports de Téma au Ghana ; de Lomé au Togo et dans une moindre mesure le port de Cotonou au Bénin.

Restent alors le Sénégal et le Niger, l’un côtier et l’autre non. Le premier ne serait que peu affecté par la réorientation du transport sahélien, le chemin de fer Dakar-Bamako en mauvais état ne peut que marginalement augmenter ses capacités de transports vers le Mali et ou le Burkina. Quant au Niger, il pourrait toujours compenser sur le Nigeria pétrolier ses pertes de marchés et de fournisseurs.

 Au plan institutionnel, la part de la Côte d’Ivoire dans la zone UEMOA est, on le sait, décisive, même avec la crise (son poids dans le Pib de la zone est équivalent à 40%) et la Côte d’Ivoire est un contributeur essentiel aux mécanismes compensatoires mis en place par l’Union. Ainsi que le soulignait en 2003 un rapport du Pnud, « l’union douanière qui, jusqu’ici, est la réalisation majeure (de l’UEMOA), dépend du fonctionnement des mécanismes en place, dont le Prélèvement Communautaire de Solidarité (PCS) qui assure le financement du fonds de compensation ».

 La difficulté de la Côte d’Ivoire « à honorer ses engagements financiers vis à vis de l’UEMOA, notamment le reversement du Prélèvement Communautaire de Solidarité (PCS) » avait donc de quoi inquiéter. Les plus pessimistes de rappeler comment fut bloquée la défunte Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest (CEAO), faute du versement par les Etats membres du Prélèvement communautaire déjà en pratique… la Côte d’Ivoire, plus gros bailleur de fonds de la CEAO, faisant partie à l’époque des membres défaillants entraînant la mort de cet organisme.

Par ailleurs, à elle seule, la Côte d’ivoire conforte en permanence l’état excédentaire des comptes d’opération des pays de l‘UEMOA et même de la zone Franc, ouverts auprès du Trésor français, condition de base de la garantie de la France au franc CFA.

Toutes choses qui font dire que la stabilité économique de la Côte d’Ivoire est nécessaire à la bonne santé financière de l’UEMOA, mais aussi de toute la zone Franc qui, en réalité, n’intéresse la France que lorsqu’elle est excédentaire. Je suis profondément convaincu comme beaucoup d’intellectuels de par le monde qu'une intervention militaire en Côte d'Ivoire serait de nature à aggraver une situation qui est suffisamment tragique, et plongera à coup sûr le pays et la sous-région dans la tourmente.

Pays carrefour de l’Afrique de l’Ouest, base arrière pour la maintenance industrielle de toute la sous-région, couloir d’approvisionnement des pays enclavés et pays le plus riche de la zone, la Côte d’Ivoire est la première puissance économique de l’Afrique de l’Ouest après le Nigeria.

« La Côte d’Ivoire est un des rares pays du monde à avoir son économie en croissance cette année (…) Je ne sais pas si l’année prochaine, ce sera le cas, mais, plus que l’année précédente, la balance est excédentaire. Contrairement aux autres pays du monde qui connaissent des difficultés liées à la crise financière mondiale ». Le DG du FMI, Dominique Strauss Kahn, dixit, lors de son voyage à Abidjan en 2009. On peut bien sûr ajouter que cette croissance n’est pas ressentie par les ivoiriens dans la vie quotidienne, mais pour un pays en guerre, les résultats sont remarquables et inattendus. Si les pays de la Zone Franc, les pays de la CEDEAO en tête n’appliquent pas la « realpolitik » en œuvrant pour un dialogue entre les deux belligérants et éviter le conflit, ce n’est pas le Sénégal dont l’économie pèse moins de 20% sur celle de la zone, ou encore le Burkina avec ses 8%, qui pourraient prendre la relève et jouer le rôle de locomotive.

La CEDEAO, en retirant au président Gbagbo le pouvoir de signature, ce qui est en dehors de ses compétences, pousse le premier ministre légal de Côte d’Ivoire Monsieur Aké Gilbert Marie N’Gbo, en économiste avisé de penser à créer sa propre monnaie seule gage de la souveraineté d’un Etat. Ceci a été confirmé par le ministre de la jeunesse et du travail Monsieur Blé GOUDE. C’est certainement une des raisons qui pousse la France à faire des pieds de grue et veille comme du lait sur le feu ce qui se passe dans ce pays. Cinquante ans après les indépendances, la politique monétaire de la zone franc reste donc décidée par la France en fonction de ses intérêts propres.

Il aurait parfaitement raison de le faire. La Côte d’Ivoire est une puissance économique indéniable dans une économie africaine en pleine mutation. Les dernières découvertes de matières premières : or, diamant, pétrole plus une agriculture florissante font que les puissances occidentales comme la France veulent préserver leur pré-carré africain.

Cinquante ans après les indépendances, la politique économique instituée dans le cadre de la Zone Franc a été complètement déconnectée des vrais enjeux du développement africain tout en permettant à la France de contrôler économiquement et politiquement ses anciennes colonies au profit de son économie nationale, et au préjudice du développement des relations entre pays africains. Le modèle imposé par le système franc CFA induit une verticalité des échanges (Nord-Sud) au détriment d’une coopération horizontale (Sud-Sud).

Un tel système financier, au service des intérêts économiques et politiques de la France, ne peut pas être le vecteur de l’autonomie monétaire et du développement. Il perpétue les relations asymétriques et néocoloniales entre la France et les pays de la zone CFA.

C’est l’occasion pour les pays africains de la CEDEAO-UMEOA-ZONE FRANC d’appliquer la realpolitik en imposant un statuquo aux belligérants par le dialogue dans ce pays moteur de leur économie. On parle aujourd’hui des Etats Unis d’Afrique et de monnaie commune, est-ce le moment d’accepter une nouvelle division africaine ? Est-ce impossible pour l’Afrique de se gérer elle-même et de résoudre ses propres problèmes sans intervention étrangère ?

Il est aujourd'hui temps de décoloniser l'Afrique, soyez-en sûrs la France ne serait pas la métropole du Djolof, du Songhaï ou du Fouta Djallon qui ne seraient des colonies que de leur peuple. L'heure de l'indépendance je crois a sonné pour les peuples d'Afrique, les tabous tombent les uns après les autres. Bientôt on ne parlera plus de tribalisme mais d'indépendantisme ethnique, on ne parlera plus de Françafrique ou de coopération mais de mafia impérialiste, bientôt les peuples gagneront en lucidité vis à vis des colonies dont ils sont prisonniers, leurs idéaux inaccessibles s'effondreront.

Ça doit être fini le temps quand Monsieur Bongo détournait de l’argent pour financer les partis politiques français, le moment où la France décidait du président en place dans tel ou tel autre pays africain. L’histoire est en marche et personne ne doit rater la fin.

La volonté d'indépendance et le besoin d'union se font pressant et peu à peu prendra forme la renaissance des peuples d'Afrique et la naissance d'un Etat venant les fédérer, enfin sauf si une fois de plus l'impérialisme et l'idéalisme auront raison du pragmatisme du réalisme et de l'indépendantisme. C’est le temps de la réalité dans les actes et de la sincérité dans la prise de décisions.

Le Japon complétement détruit à la fin de la seconde guerre mondiale a réussi sa croissance en tenant tête à l’impérialisme en comptant d’abord sur son peuple. Travailler comme un japonais pour des biens domestiques et industriels au bénéfice du peuple ; mais travailler comme un « nègre » pour le plaisir du blanc ou du chef sans aucune réflexion, c’est la réalité.

«  … La situation de la Côte d`Ivoire est complexe et compliquée. Elle contient les ingrédients d`une guerre civile qui pourra dépasser les frontières et déstabiliser toute la sous-région ouest-africaine. Etant donné le poids économique de la Côte d`Ivoire, un éventuel scénario, de guerre et/ou aggravé par des sanctions économiques et financières contre ce pays, pourra avoir des répercussions gravissimes sur toute l`économie des Etats de la CEDEAO…». Et trahissant ses pairs réunis à Abuja prêts à la guerre, le président Pires recommande… une médiation internationale sans aucune condition préalable…C’est cela la realpolitik et la seule issue au problème ivoirien.

 

Amadou DIALLO http://adiallo132009.blog4ever.com



30/12/2010
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