Telle une justice capitaliste à l'américaine!
Telle une justice capitaliste à l’américaine !
Toute la France a été abasourdie de voir Dominique Strauss Kahn menotté. Il ne s’agit pas pour moi de me prononcer sur le fond du dossier car il faut laisser les juges américains
qui ont libéré DSK moyennant une caution de plus de 5 millions de dollars,
continuer à faire leur travail. La mise en liberté de Dominique Strauss Kahn
moyennant cette grosse contrepartie ressort du refus de Roman Polanski arrêté
en France et qui refuse de répondre à la justice américaine pour cause de
viols. La justice américaine estime certainement que Strauss Kahn aurait pu
rester en France et rendre ainsi difficile son extradition et que la France ne
participerait pas à l’extradition de ses propres ressortissants.
La majorité des français a été choquée par la brutalité de la justice américaine. Nous devons ne pas
l’être car nous sommes au cœur d’une justice dite « égalitaire » de
l’autre côté de l’Atlantique qui traite les puissants comme les pauvres de la
même façon. Voici la vraie démocratie diront beaucoup d’observateurs. En
France, Monsieur Strauss Kahn aurait bénéficié sans nul doute d’un régime de
faveur. Les américains ont tous les défauts du monde, comme on aime bien le
voir depuis la plupart des pays du monde surtout la France. Il est de bon ton
de critiquer les américains, sauf qu’ils sont très républicains, même si les
politiques juridictionnelles dans les différents Etats ne sont pas semblables.
C’est une leçon de maintien et de juridiction que les Américains nous livrent.
Il est certes très difficile de se prononcer sur le fond du dossier qu’on ne
connait qu’à travers ce qu’en disent les journaux, les radios, les télévisions
et les quelques fuites glanées par ci par là.
En revanche, en regardant les images diffusées par la majorité des médias, il faut reconnaitre
à la plus vieille démocratie du monde, les Etats Unis, sa capacité de traiter
tous les citoyens américains, riches ou pauvres, de la même façon. Voici la
véritable égalité qui n’existe chez certains que dans les discours quel qu’elle
soit l’idéologie dont on s’inspire. Seulement le juge en autorisant, après un
emprisonnement de deux jours, la liberté de DSK moyennant une forte caution ;
on pourrait se demander si la justice américaine est aussi égalitaire comme on
veut nous le faire croire ou est-elle une justice capitaliste au bon vouloir de
l’argent.
La détention provisoire est considérée comme tout-à-fait exceptionnelle aux États-Unis. La première
juge, Melissa Jackson, a eu peur que DSK s’enfuie, comme l’avait fait Roman
Polanski, parce qu’il n’y a pas de traité d’extradition avec la France. Elle
n’a pas voulu prendre de risque peut-être pour des raisons politiques. Le
deuxième juge prend ce risque mais avec un maximum de précautions, qui
paraissent presque irréalisables. Le montant de la caution est tellement élevée
que si DSK n’avait pas eu les moyens de son épouse Anne Sinclair il serait
encore aujourd’hui en prison même en tant que présumé innocent.
Ainsi la majorité des procès de grandes vedettes ou de personnalités ont fini par des coups de
millions et de fortunes dilapidées soit pour le bonheur des avocats ou des
agences d’enquêtes ou pour remplir les caisses de l’Etat sous forme de caution.
La justice américaine est alors strictement égalitaire, sauf qu’elle coûte très
chère pour bien faire prévaloir ses droits. Elle favorise, de fait, ceux qui
ont de l’argent. Même les avocats des victimes pauvres espèrent des retombées
financières en cas de condamnation de la partie adverse en civil et des
pourcentages qui leur sont dus.
Ainsi la justice américaine n’est plus ou moins qu’une justice capitalistique ou l’argent est
roi. Les divergences entre la justice française qui est à charge et à décharge
sont fortes par rapport à celle de l’Amérique qui est uniquement à charge, mais
ceci ne veut pas dire que la justice américaine soit insuffisante. Ce qui est
sûr, c’est que dans la plupart des pays, l’affaire DSK se serait passée d’une
manière beaucoup plus discrète.
Dans le cas DSK, celui-ci est à priori traité comme un coupable avec des menottes, un air hagard
alors qu'il n'est qu’un simple accusé, et avant même le procès, on influence
l'opinion publique en l'exhibant menotté devant toutes les caméras du monde. On
parle d'une « victime » Nafissatou DIALLO, alors que pour le moment,
rien n'est établi et on doit garder en tête que celle-ci n'est qu'une
« plaignante ». Un flou savamment entretenu entre accusation et
culpabilité. De plus, il semble que M. Strauss-Kahn n'est justement pas traité
comme tout le monde. Est-ce que « M. Tout le Monde » se retrouverait
menotté à la une de tous les médias du monde aux heures de grande écoute?
N’est-ce pas une hypocrisie!
Ce qui est contestable ici c’est la forme que prend l'affaire DSK et non le fond. Nous avons ici la
preuve que le système judiciaire américain n'est ni égalitaire ni juste il est
capitaliste. Accusatoire, cela signifie que la machine judiciaire ne se met en
route que pour écraser le présumé coupable, si vous n'avez pas les moyens de
vous payer avocats et détectives aucun élément à décharge ne sera examiné.
Et prétendre, comme je l'ai entendu, que la justice américaine ne condamne que sur des preuves
irréfutables est une sottise. Voir « 12 hommes en colère » avec Henri
Fonda, c'est bien comme chez la majorité des pays sur leur intime conviction
que les jurés doivent décider ou non de la condamnation à mort d'un homme,
faute de preuve.
Grands ou petits ne sont tous traités de la même manière. Humiliés, broyés, brisés plus sûrement
que ne le serait un petit, châtiés avant même que leur culpabilité ne soit
prouvée, voilà le sort des puissants comme DSK. Vous la voyez où l'égalité des
droits? Pire, cette parade, - car c'est bien ainsi qu'appellent les américains
la mise en scène qui consiste à menotter le présumé coupable et pas innocent et
à l'encadrer de policiers bien voyants - est une punition pour quiconque refuse
de plaider coupable et au passage pour réduire les coûts. Vous la voyez où la
justice ? Ça a une odeur du procès des sorcières de Salem. En
1692, à Salem Village aujourd'hui Danvers, et non contrairement à ce que l'on
croit, dans la ville voisine de Salem où le procès se déroula, quelques jeunes
filles, notamment Abigail Williams, Ann Putnam et Betty Parris, accusent
certains concitoyens de les avoir envoûtées et d'être des sorciers ou des
magiciens, alliés de Satan.
La communauté, assiégée par les Amérindiens et dépourvue de gouvernement légitime, prête foi aux accusations et condamne les personnes mises en cause à avouer les faits de
sorcellerie ou à être pendues. L’épilogue fut que les
procès en sorcellerie s'achèvent finalement en octobre 1692, les accusés sont
progressivement mis en liberté jusqu'au printemps suivant. Officiellement, le
gouverneur royal du Massachusetts, Sir William Phips, met un terme à la
procédure après l'appel formé par le clergé bostonien mené par Increase Mather.
Celui-ci publie « Cases of Conscience Concerning Evil Spirits » (Cas de
conscience regardant les esprits maléfiques) le 3 octobre 1692, ouvrage qui
contient notamment la phrase suivante : « Il apparaît préférable que dix
sorcières suspectées puissent échapper, plutôt qu'une personne innocente soit
condamnée » (It were better that ten suspected witches should escape, than that
the innocent person should be condemned).
L'affaire a eu un impact si profond qu'elle a contribué à réduire l'influence de la foi puritaine
sur le gouvernement de Nouvelle-Angleterre et a indirectement conduit aux
principes fondateurs des États-Unis
Ainsi selon un avocat d'affaires à Washington qui a du siéger pendant plusieurs semaines en tant que juré pour faire son devoir citoyen, a eu cette conclusion à la sortie :
« 95% des crimes et délits ne sont pas jugés aux Etats-Unis ». Le
fameux « plaider coupable » que Sarkozy rêve d’imposer aux français
pour faire des économies n’est pas un gage d’une vraie justice. Il ne faut pas
s'étonner alors que le cinéma américain, reflet de la société, regorge de films
où les héros font justice eux-mêmes. Citez-moi un film, un livre français à
succès qui aurait ce thème, aucun ne me vient spontanément à l'esprit. Et le
travail d'apaisement, de pédagogie, de réconciliation, de reconstruction de la
victime comme du coupable n’existe nullement. Seul importe le magot ou les
dividendes empochées par les différents avocats. Ce n’est pas donc pas étonnant
de constater les avocats font partie de la classe la plus fortunée aux USA.
Pour avoir dans sa défense les meilleurs avocats il faut soit être riche, populaire ou tout simplement
avoir une affaire qui peut générer de grosses retombées financières. Dans ce
cas vous ne cherchez pas des avocats ce sont eux qui viennent vers vous comme
des abeilles autour d’une ruche.
Vu sous cet angle, la justice américaine a un traitement des affaires digne de l'Ancien Régime et
contraire aux valeurs de la République et de la démocratie. Certes, la présumée
victime mérite le respect, mais oui, Jacques Lang a raison, ce n'est pas un
crime de sang, elle est respectée, elle n'est pas livrée à la curée, elle est
même cachée, protégée. La justice américaine ne retient que ses accusations, la
défense n'a pas droit d'accès au dossier avant la comparution, en d'autres
termes pas le droit à la parole avant le dernier moment. Sans nier la
profondeur de la blessure d'une tentative de viol, voire d'un viol, elle n'en
mourra pas, tout est mis en œuvre pour qu'elle s'en remette.
Ce qui choque dans l’affaire DSK, c'est certainement la violence et l'inégalité de traitement. Le seul point positif qui peut sortir de cette affaire c'est que les français prennent conscience que le juge
d'instruction est le pilier de la République et que nous devons nous battre
pour que sa disparition programmée, et hélas déjà engagée, n'ait pas lieu.
Quant à la tolérance vis à vis des affaires de mœurs, on peut être heureux d'appartenir à un pays
qui ne s'est pas préoccupé des amours de Mitterrand mais qui se serait indigné
s'il n'avait pas assumer ses responsabilités vis à vis de sa fille
« adultérine » Mazarine.
Coupable ou pas, là n'est plus la question, il s'agissait tout simplement de faire tomber le plus
bas possible celui qui, non seulement symbolisait une compétence
internationale, mais était aussi, enfin peut-être, l'avenir de la France. Il
n'en reste pas moins qu'il représentait la France sur le plan international, et
là aussi j'eusse aimé que la violence américaine ne se soit pas déchaînée avant
même que l'on sache si cet homme est coupable ou pas. L’objectif doit être
aussi le respect de la personne humaine. D’ailleurs, la question n'est même pas
pour moi de savoir s'il est coupable ou non, c'est à la justice de faire son
travail, qui ne peut se faire réellement que dans la sérénité. C'est le
châtiment qui précède le jugement qui me désole et me désespère. Je n'en excuse
pas pour autant le viol, ni ne respecte pas moins la victime présumée.
Il est douteux de savoir que l’avocat américain est avant tout un homme d'affaires, alors que
l'avocat en France est ce que l'on appelle un « auxiliaire de
justice ». Ainsi l'avocat américain remplit difficilement sa mission de
justice et se transforme en marchand de droit obéissant à des intérêts privés
et spéculateurs.
Amadou DIALLO
A découvrir aussi
- Débat sur l'identité nationale en France
- La colonisation nous a fait brûler des étapes et a plombé notre développement.
- Côte d'Ivoire: c'est le temps de la realpolitik internationale.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 47 autres membres