DIALLOBEDUCATION

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SENELEC: Pourquoi la médiocité est devenue un crime?

      SENELEC : Pourquoi la médiocrité est devenue un crime ?


Jeudi 12 juin 2008, au journal télévisé, un communiqué de presse, suivi d'une cérémonie de signature de partenariat, est rendu public. Il parle de la présence de Pétrosen dans le capital du projet de dépôt de produits d'hydrocarbures et de produits liquides. Présentés comme deux vieux copains, M. Amadou Mbacké Sèye et M. Samuel Sarr jouent les acteurs. Ils annoncent l'entrée de l'État du Sénégal dans le capital du dépôt; qui devient du coup Sen-Stock. Que s'est-il passé ? Comment en est-on arrivé là? Que se cache derrière cet accord?

Voici quelques questions qui ont assailli nos esprits de fouineurs et nous ont obligé à nous intéresser à ce projet dont nous avions eu vent au tout début de son montage financier. Citoyen sénégalais, M. Amadou Mbacké Sèye est l'un des rares Sénégalais qui se sont intéressés au secteur énergétique, en osant y investir leur patrimoine. C'est son patriotisme porté en bandoulière qui l'a mené à créer un conglomérat d'entreprises à Dakar: Diprom.

Cette structure dont dépendent Touba Oïl, Touba Gaz, entre autres sociétés est basée sur la route de Rufisque. Et, elle fait travailler plus de 800 employés disséminés un peu partout à travers le pays. Une succursale de l'entreprise est, depuis quelques mois, fonctionnelle en Gambie; pays par lequel l'homme ambitionne de conquérir l'UEMOA. Ayant compris la nécessité de sortir son pays de la dépendance énergétique, M. Amadou Mbacké Sèye s'est très tôt investi dans le domaine de l'énergie ; avec la construction du seul stock de butane existant au Sénégal. Ce dépôt construit dans la zone de Kounoune a une capacité de 150.000 tonnes ; soit plus que la consommation mensuelle du Sénégal qui est de 130.000 tonnes.

Très ambitieux, l'homme avait aussi commencé la construction d'un sea-line. En plus de ces somptueux projets qui feront la fierté nationale, l'homme est aussi l'initiateur de celui du dépôt des hydrocarbures et produits liquides. Ce projet initié sur la baie de Hann est, à en croire des sources autorisées, est estimé à 35 milliards de F. Cfa. Une somme dont il ne dispose pas.

Après une minutieuse étude du terrain, l'homme prend les airs à la recherche de partenaires susceptibles de lui apporter les fonds dont il a besoin. À Paris et à Londres où nous avions eu la chance d'apercevoir la frêle silhouette de cet homme à la barbe poivre et sel, M. Amadou Mbacké Sèye séduit. Le monde venu l'écouter exposer son «apport pour développement du Sénégal» et son «cadeau pour les générations futures» épouse ses idées. À l'écouter parler du Sénégal, exposer ses ambitions pour son pays, on ne peut avoir que du respect et de la considération pour cet homme. Devant tant d'élan patriotique, le soldat du peuple que nous voulons être est charmé. Présenté comme la plus grande réalisation dans le domaine pétrolier au Sénégal, le projet attire l'aval de quelques multinationales. Ces dernières acceptent de mettre de l'argent à la disposition de Diprom. Mais, font-ils remarquer avec insistance: «à condition que l'Etat du Sénégal ne soit pas actionnaire». À Paris, Londres et New York, les scandales à répétition et les non-respects des accords signés par le régime libéral ont fini par achever la réputation du Sénégal. Son régime est assimilé à une mafia, ses pratiques crapuleuses et ses dirigeants à des voyous. «À des gens comme ça, personne ne veut prêter le moindre centime ni avoir la moindre relation», averti un membre d'une délégation venue écouter l'exposé de M. Amadou Mbacké Sèye. Conscient qu'il est dans un pays dirigé par des libéraux dont l'idéologie et la libre entreprise et qui chantaient sur tous les toits «le libéralisme, c'est la libre concurrence et l'entreprenariat pour l'excellence», M. Sèye rassure ses partenaires. Ayant obtenu l'accord de ses partenaires, il présente son montage financier à des banques sénégalaises. Ces dernières signent des accords avec Diprom. Et le travail débuté loin des tapages médiatiques est terminé. Mais pour pouvoir stocker, Diprom a besoin d'une autorisation et c'est le ministère de l'Energie qui la délivre.

Au préalable, une tournée d'inspection des installations sur le terrain est impérative. M. Samuel Sarr se rend sur le site pour visiter les réalisations devant abriter les stocks. La capacité de stockage du dépôt est de 167000 tonnes. Elle est plus importante que celle de tous les majors installés à Dakar. Après avoir fait le tour des installations et constaté l'état d'avancement du projet, le ministre félicite le citoyen. «Devant tout le monde, il l'a félicité et lui a déclaré que c'est un très beau travail qu'il avait fait», soutient un témoin. En coulisses, Samuel fait savoir à ses proches que ce projet est trop important pour le laisser entre les mains d'un opérateur indépendant. Aussi, il jure qu'il ne laissera jamais un sea-line entre les mains de ce monsieur. «C'est l'Etat qui devait faire ce travail; mais puisque vous nous avez montré la voie, mettez vous derrière nous et laissez nous diriger le projet», dit Samuel au promoteur.

Il lui impose aussi de vendre son sea-line à la Sar. Bien que présenté comme un homme trop discipliné et trop calme, M. Amadou Mbacké Sèye n'entendait pas se laisser dicter sa conduite. Il réclame son projet et demande à l'Etat de lui délivrer sa licence d'exploitation. Etant le seul autorisé à délivrer ce sésame, Samuel fait comprendre à son interlocuteur que: «la délivrance de la licence est conditionnée par l'entrée de l'État dans le capital». En langage cru, c'est: «tu nous ouvres les portes de ton dépôt ou bien tu n'auras jamais rien».

Chacun reste sur ses positions. Et, petit à petit, la nature ayant horreur du vide, la poussière et le désespoir s'emparent du dépôt et le matériel dévolu à la construction du sea-line commence à rouiller sous les coups boutoirs des brises de mer. Le temps qui passe ne joue pas en faveur du promoteur. «Chaque jour qui passe, à en croire des informations obtenues auprès de sources bien informées, Diprom perd 5 millions de francs Cfa». En plus de cette perte, l'homme fait aussi face à de couteux engagements bancaires. Emprunté à un taux de 8%, l'argent investi par Diprom est remboursé périodiquement sans que la société ne puisse tirer le moindre centime du projet.

Pour ce self-made-man qui n'a pas les caisses noires que confèrent les fonctions électives ou nominatives sous l'alternance, le préjudice est énorme. Et, c'est las de voir les jours passer et désarmé devant la force de «l'homme du Président» que M. Amadou Mbacké Sèye a cédé. C'est la seule raison qui a poussé le promoteur à accepter de signer ce simulacre d'accord de partenariat dont la presse s'est délectée.

C'est ainsi que l'Etat du Sénégal, à travers Pétrosen, a pris le contrôle du projet du visionnaire. Mais la bataille n'est, pour autant, pas gagnée. C'est du chantage que va naitre Sen-Stock. Sur un montage financier évalué 35 milliards, 17 avaient déjà été engagés. Pour financer cet ambitieux projet, les banques Attijariwafa Bank et la Société Générale des Banques au Sénégal ont donné leur accord et devaient incessamment décaisser les fonds nécessaires, mais avec la nouvelle constitution du projet, ces banques vont revoir leurs copies.

Pour mettre la main sur le dépôt, l'Etat veut procéder au refinancement du dépôt en le rachetant à 40 milliards CFA. Il n'a jusque là rien mis sur la table. Avec 66% des parts d'action détenues par cet Etat déficitaire du Sénégal, Diprom est relégué au second plan. C'est du pousse-toi que je m'y mette. «Et, à en croire de nombreuses sources dans le milieu bancaire, Diprom a saisi les banques pour leur faire part de cette nouvelle réalité qui rend caduques tous les accords.» Elles soutiennent qu'«aujourd'hui, Diprom veut retirer ses signatures sur tous les documents et laisser à l'Etat du Sénégal le loisir de s'engager.»

Après avoir recelé notre manuscrit, en ce début septembre 2008, M. Samuel Sarr, voulant certainement prendre les devants, a appelé M. Mbacké Sèye pour lui remettre son autorisation d'exploiter. C'est un cadeau vicié. Car Diprom, en plus de l'autorisation d'exploiter, avait plutôt besoin d'une licence de vente. Et ce papier lui est toujours refusé. Avec ce partenariat obtenu par l'entregent de M. Samuel Sarr, des partenaires occidentaux intéressés par le projet assistent dubitatifs à ce spectaculaire volte-face et regrettent que cet ambitieux projet soit ainsi voué à un patent échec. En ces temps qui courent, au moment où l'État à du mal à trouver 10 milliards pour continuer à faire tourner les centrales de la Sénélec, les observateurs avertis de la question énergétique, au Sénégal, voient mal le gouvernement, empêtré dans des dettes à n'en plus finir, décaisser autant d'argent pour acheter les 66% d'action des 35 milliards.

Pour mettre la main sur les investissements d'Amadou Mbacké Sèye, le ministre, a en ce printemps 2009, fait appel à Arcadia et lui a accordé de gré à gré l'approvisionnement du Sénégal en carburant. Pour avoir ce marché, Arcadia a promis de mettre 35 milliards sur la table. Mais la société russo-nigériane n'a jusqu'à présent mis que 6,5 milliards de Franc CFA dans les caisses de la Sar via Ecobank. Les quatre milliards ont été virés à Amadou Mbacké Sèye contre son sea-line qui devient, de fait, la propriété de la Sar. Le reste, soit 2,5 milliards, ont été injectés par la Sar dans le capital de Sen-stock. Loin du plan du ministre qui était d'amener M. Sèye à ne posséder que 34% de sa propre invention, le capital de Sen-stock qui équivaudra à 8 milliards est pour le moment propriété de M. Sèye. Comme Pétrosen n'a pas les moyens de faire son entrée dans cette affaire, comme prévu, c'est la Sar qui le fait en prenant 20% des 66% de parts détenus par Pétrosen pour le compte de l'Etat. Et si on sait que la Sar est en négociation avec des étrangers dont la Bin-Ladin Corp, ce ne serait pas surprenant de voir cet outil stratégique entre les mains des étrangers qui peuvent nous faire chanter comme bon leur semble.

C'est ce genre de procédé douteux dont les collaborateurs d'Abdoulaye Wade semblent avoir fait leur religion qui avait poussé Alex Segura, le représentant du FMI à Dakar à faire, après nous, sa fameuse sortie contre le ministre de l'Energie sur RFI. Tous ces graves manquements ont été rapportés au chef de l'Etat Sénégalais. Mais, y trouvant son compte, Abdoulaye Wade continuera de laisser faire. Avec le trio Karim Wade, Souleymane Ndéné Ndiaye et Samuel Sarr, qui s'est constitué pour prendre le contrôle économique du pays en s'enrichissant sur le dos du peuple, l'image du Sénégal est entrain de prendre de sales coups. C'est pour ne plus cautionner ces actes que M. Hadibou Soumaré, l'ex-Premier ministre, qui avait trop longtemps fermé les yeux, a refusé de rempiler à son poste, au moment où Wade voulait encore le garder. C'est, une fois de plus, le pays qui pâtira de ce chantage. Et la légendaire patience des Sénégalais a atteint sa limite.

En ce début d'octobre 2008, sortis de la torpeur que leur a imposée le ramadan, les Sénégalais sont sortis dans la rue pour demander plus de respect et de considération de la part de la Sénélec. Pour se faire entendre, les populations ont vandalisé les agences Sénélec de Bourguiba, celle de la Patte d'oie et menacé de bastonner les agents qui viendraient leur remettre deux factures. Entouré de ses collaborateurs, le pauvre Lat-Soukabé Fall, directeur général de la Sénélec, jeté en pâture, s'est défendu devant la presse en cherchant des excuses.

Comme toujours, le prix du fioul lourd, la panne d'une centrale de GTI, accompagné du déficit de trésorerie de la société, en sont les responsables. Les commerciaux dont l'arrogance et l'irresponsabilité sont déplorées par les populations ont aussi eu leur part de responsabilité dans ce désamour. À l'en croire, ses collaborateurs et lui n'ont rien fait. Ils sont des anges que les populations veulent transformer en démons. C'est cela, malheureusement, leur seul moyen de défense. Comme Cheikh Diakhaté, Latsoukabé Fall est un pur produit de la Sénélec et ils ont assisté à la mort de leur entreprise. Ironie du sort deux mois après notre rencontre, Latsoukabé Fall à son tour est démis. Son remplaçant, Seydina Kane, est aussi pur produit de la Sénélec. Parmi tous ceux qui, sous l'ère de Samuel, ont dirigé la Sénélec, il est avec Cheikh Diakhaté le souffre-douleur du ministre de l'Energie. Samuel ne l'aime pas et il le lui a fait savoir à plusieurs reprises, en l'humiliant parfois comme lorsqu'il l'a renvoyé de la direction de la distribution pour un modeste poste à l'Agence de l'électrification rurale.

C'est pour mettre en place la vision du chef de l'Etat, comme il aime à le rappeler, que Samuel à mis son orgueil de côté pour voir Seydina Kane à la direction de la Sénélec. C'est parce que ses services ont dit au Président que la manifestation bénigne des imams pourrait causer de gros ennuis à son régime si une solution n'est pas trouvée qu'il a réussi à tordre le bras à Samuel. Et, une solution dans le vocabulaire de Wade 1er, c'est la corruption. Lorsqu'il a compris que cette pratique ne risque pas de passer, il a demandé ce que voulaient exactement Guédiéwaye. « Ils veulent la fin des coupures et le départ de Samuel Sarr», lui ont répondu les services. Mais ni l'une des demandes ni l'autre n'est envisageable pour lui. La fin des coupures sonnera le départ des groupes privés, donc la fin de la récolte du butin. Et le limogeage de Samuel signifiera l'entrée d'un tiers dans un système huilé de dépouillement des consommateurs ; mécanisme que Wade père et fils tiennent à garder secrète. Comme un secret de famille.

Mais le danger est là et son régime en dépend. Il avait pensé qu'il devait donner un agneau en sacrifice et se chercher un allié après le divorce d'avec Touba. Latsoukabé Fall avait le profil du parfait agneau du sacrifice. Mais ce gars n'est pour rien dans cette crise que traverse la Sénélec. C'est Abdoulaye Wade qui a commandité et qui surveille tout cet affairisme qui mine notre économie nationale. La Banque mondiale et la Banque Nationale de Paris qui injectent tout le temps leur argent dans notre économie le savent, mais ils s'en foutent. Peu importe la façon dont nous allons dépenser cet argent ; l'essentiel c'est que quoi qu'il arrive, elles tiendront le pays en otage avec ces dettes que des générations de sénégalais vont devoir payer. Pour Wade, puisqu'il n'a que du mépris pour les Sénégalais, peu importe la tête à couper, pourvu qu'elle ne soit ni la tienne ni celle de Karim ou quelqu'un de sa famille.

À l'occasion, puisque Guédiéwaye, où est entrain de naître la révolte, est à côté d'une grande famille religieuse, il a nommé Seydina Kane, un proche des Layennes et, cerise sur le gâteau, espère gagner Cambérène pour mieux surveiller les imams. C'est cela Wade 1er, il est machiavélique et ne fait rien gratuitement. C'est ainsi que fonctionne notre monarque. Mais les jours de Seydina Kane à ce poste sont comptés. Son limogeage surviendra plus tôt que ne l'attendent les observateurs de la question énergétique. Samuel est entrain de chercher un profil pour le poste. Le futur locataire de la direction doit être un pantin agitable à souhait. Un figurant, un domestique patelin et obséquieux qui saura prendre son salaire et fermer sa gueule. Ainsi le premier ministre de crier haut et fort qu'il n'a jamais demandé le départ de son ministre de l'énergie, qui parait dés lors comme indéboulonnable, malgré le mauvais service rendu au peuple sénégalais.

Fin Août, début septembre 2009, le peuple de nouveau excédé par les coupures intempestives, est descendu dans la rue. Monsieur SARR d'expliquer que les problèmes de la Sénélec sont imputables à des difficultés de trésorerie qui s'expliquent, selon lui, par diverses créances irrévocables. Estimées à plus de 40 milliards de francs CFA, elles rendaient difficiles pour la compagnie d'électricité de mobiliser chaque mois 18 milliards de francs pour se fournir du carburant. La Sénélec a, selon Samuel Sarr, la particularité d'être quasiment la seule compagnie d'électricité au monde qui doit acheter son combustible cash. Ce qui est le signe d'une confiance perdue de la part des fournisseurs.

C'est pour cela : « Aujourd'hui, en lieu et place d'une alternative crédible, le gouvernement engage la SENELEC dans une nouvelle impasse avec une recapitalisation au schéma imprécis et aux objectifs obscurs ; un expédient dont le seul but est de capter les milliards des partenaires au développement pour ensuite les dissiper en toute opacité. Il y a urgence à procéder à un diagnostic opérationnel, technique et financier de la SENELEC en vue de l'élaboration d'un plan crédible de redressement ».

Le peuple est en droit de se demander où est passé son argent, la SENELEC a eu plus de 81 milliards de ressources supplémentaires sans compter les 500 milliards que le gouvernement prétend avoir apporté.

La question que de nombreux concitoyens rencontrés un peu partout à travers le monde nous ont posée et à laquelle nous n'avons jamais su apporter de réponse est certainement celle-ci: «Pourquoi et à qui profitent tous ces crimes?» Notre conviction est celle-ci : comme tout crime, celui dont est victime le secteur énergétique du Sénégal profite à quelqu'un. Et comme des millions de Sénégalais nous continuons à demander pourquoi une telle haine contre le pays qui vous a tout donné?

Amadou DIALLO



05/09/2009
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