Plus de doute que d'espoir dans l'athlétisme sénégalais.
Plus de doute que d’espoir dans l’athlétisme sénégalais.
Berlin 2009, championnat du monde d’athlétisme, le Sénégal est représenté par une poignée d’athlètes. Hormis le nombre réduit au minimum, ce fut un début plutôt cruel mais très logique qui a sanctionné leurs premiers pas dans ces 12e Mondiaux de Berlin. Jamais dans l’histoire de la participation sénégalaise, hormis les championnats de Berlin, début n’a été aussi chaotique.
Devant le résultat plus que désastreux, c’est le lieu de se demander les raisons qui ont poussé les athlètes sénégalais à avoir d’aussi médiocres résultats. Il est à noter que si le jamaïcain Hussein BOLT a obtenu autant de réussite, cela est dû seulement à la politique de son pays en faveur de l’athlétisme. On voit dés lors que loin de la volonté des athlètes de réussir, l’état a aussi sa part de responsabilité.
Athlétisme et nationalisme politique
Aujourd’hui dans tous les pays du monde, l’athlétisme perd de sa popularité. Ce constat a été fait par Lamine Diack, président de l’IAAF, lui-même devant la difficulté de remplir les stades lors des championnats du monde.
Durant la guerre froide le sport fut mis au service de la nation. Les responsables politiques, convaincus des valeurs éducatives des activités sportives, encouragèrent les populations à s’y adonner. « École de civisme », le sport, qui exaltait la vertu de l’effort tendu vers un idéal, devait inculquer à chacun le sens de la droiture, de la solidarité et de la discipline. Tout en pratiquant les sports, les individus se formeraient le caractère, acquerraient un «esprit d’émulation saine », apprendraient le « courage et la bravoure » et le sens du « dévouement à la cause de l’ensemble.» Ils deviendraient ainsi des citoyens conscients de leurs devoirs et de leurs responsabilités.
Le rôle du sport dans tous les pays du monde ne se limita toutefois pas à ce seul aspect de l’encadrement et de l’éducation des populations. Le développement des activités sportives répondit aussi et surtout au souci des responsables politiques de favoriser l’émergence d’un sentiment national, l’amour de la patrie et le besoin d’imposer son idéologie. Les gouvernants s’efforçaient de donner une connotation nationale aux différentes rencontres sportives, insistant sur le fait que celles-ci participaient d’une manière non négligeable à la reconnaissance internationale de chaque État et de son idéologie. On peut rappeler pour cela les évènements en URSS, en Roumanie, en Chine, où les athlètes étaient soumis à des traitements inhumains pour obtenir de bons résultats dans leurs disciplines respectives.
On voit donc que le sport en Général et l’athlétisme en particulier servait avant tout à pérenniser le sentiment nationaliste pour les jeunes pays nouvellement indépendants, et pour les autres asseoir leur idéologie et leur propagande.
Les raisons d’un échec au Sénégal
Malgré les efforts fournis par les dirigeants pour développer le sport comme ciment de la nation, les problèmes ne tardèrent pas à se poser pour deux raisons principales : d’une part la mini révolte des élites sportives qui dès lors ne jouèrent plus leur rôle pédagogique et d’autre part la modernisation des sports traditionnels qui ne renvoyaient plus à un passé commun. Après leurs succès lors des compétitions continentales d’après indépendance, les sportifs sénégalais ne tardèrent pas à se rebeller contre des responsables qu’ils jugeaient peu au fait des affaires sportives, voire totalement incompétents. Les revendications apparues depuis 1963 avec Mamadou SARR sont toujours récurrentes à nos jours.
La crise de l’athlétisme fut provoquée par le mécontentement des athlètes, qui dénoncèrent les mauvaises conditions de pratique, l’absence d’encadrement médical, l’incompétence et l’apathie des dirigeants de l’athlétisme sénégalais. Le seul souci des responsables est de sauver leur place et ceci dans tous les domaines.
Ainsi donc le sport sénégalais connut des heures sombres malgré quelques petits sursauts aux Jeux olympiques de Séoul en 1988 avec la médaille d’argent remportée par Amadou Dia Ba sur le 400 mètres haies.
De même, le Sénégal qui avait été pionnier en matière de réhabilitation des luttes manqua l’occasion d’organiser le premier championnat d’Afrique de lutte traditionnelle à cause d’un différend avec la Fédération internationale. En définitive, cette compétition se déroula à Niamey en avril 1995 et réunit dix pays africains. Les Sénégalais, pourtant favoris, n’y brillèrent que par leur absence.
Les solutions après la traversée du désert
Pour sortir l’athlétisme du marasme actuel, il est nécessaire de pratiquer une véritable politique dans ce domaine. L’athlète doit se dire : « je défends les couleurs d’un pays » et l’autorité : « apporter le soutien nécessaire. » Il est urgent que l’athlétisme revienne dans les écoles, les lycées ainsi que dans l’espace universitaire. Aussi trois domaines importants doivent être explorés notamment ceux portant sur la gestion des élites, la logistique et l’administration de l’athlétisme au Sénégal. Des sujets plus qu’importants dans la marche d’un athlétisme qui se veut performant et digne de la stature de notre pays dans le concert des nations sportives.
Ainsi il faut une meilleure gestion des ressources humaines, régler les
rapports conflictuels entre la fédération et les associations sportives qui ne doivent pas être considérées comme des concurrentes. Il faut lutter contre l’exode sauvage des jeunes, résorber l’absence de soutien des collectivités, résoudre le manque d’infrastructures, veiller à un meilleur financement, etc.
Les problèmes rencontrés dans l’athlétisme sont aussi ceux des autres disciplines. Ceux qui s’occupent d’athlétisme ne manquent pas de réponses à certaines de ces questions et ne pas manquer de les consigner dans un plan d’actions à soumettre au plus vite aux autorités sportives.
On peut retenir par exemple, la construction des pistes modernes dans les régions, les lycées, les collèges ainsi que les campus universitaires, la définition d’une politique de motivation des cadres techniques, la contractualisation de la relation fédération et associations scolaires et universitaires. Il faut la création de centres nationaux et régionaux d’entraînement, la création de lycées de sports, la création d’un fonds national de l’athlétisme. Pour encadrer tout cela il faut la motivation des élites, la résolution du problème de l’éducation physique et sportive dans les établissements secondaires avec l’augmentation des coefficients dans le calcul de la moyenne en fin d’année scolaire, la création d’un collège des espoirs de l’athlétisme au Centre national d’éducation physique et sportive de Thiès. Aussi, malgré toutes les difficultés sur le plan mondial, particulièrement sénégalais, l’athlétisme doit imprimer de sa marque de sport universel au service d’une nation.
Conclusion
C'est la richesse et la singularité de l’athlétisme, traditionnellement reine pendant les Jeux Olympiques, de récompenser, des sportifs représentant les plus grandes puissances économiques, mais aussi ceux nés sur des terres nettement moins prospères, à l'image de la Jamaïque, l’Ethiopie qui continue de dominer les courses de fond, ainsi que le Kenya ou l’Erythrée qui ont gagné autant de médailles que la France, qui fait la force de cette discipline. Sport mondial par excellence, l'athlétisme se trouve pourtant au creux de la vague, mais le Sénégal doit redonner du lustre et un élan à un sport en difficulté qui pourtant a fait la fierté du peuple sénégalais après les indépendances dans les années 1960 à 1970. Mais l'athlétisme ne regagnera pas le terrain perdu que les soubresauts de l'histoire lui ont fait céder. La chute du Mur de Berlin a scellé, d'une certaine manière, le sort de ce sport en marquant la fin d'une ère, celle des affrontements entre grands blocs sur les pistes du monde entier. Le stade est aujourd'hui dépolitisé, aseptisé. C’est le moment pour le Sénégal de marquer son existence sur la carte du monde en revalorisant son athlétisme.
Amadou DIALLO
Adiallo132009@hotmail.fr
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