DIALLOBEDUCATION

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Le Coup de canif du Soudan à l'unité africaine.

Le coup de canif du Soudan à l’Unité Africaine

 

Des élections au Soudan, une première depuis un quart de siècle. Plus vaste pays d'Afrique, le Soudan organise de dimanche 9 janvier à mardi 11 janvier 2011 prochains ses premières élections législatives, régionales, présidentielles multipartites surtout séparatistes et ce depuis… 1986.

Mais véritablement, ces consultations électorales auraient été saluées à leur juste valeur si leur organisation avait réuni le consensus minimal au sein de l'univers politique soudanais. En effet, ce processus électoral, que Soudanais et partenaires occidentaux ont depuis longtemps appelé de leurs vœux, se déroule sur fond de contestations et de boycotts de quelques poids lourds politiques et sur la base d’une partition du pays en deux états : le Soudan du Nord et celui du Sud.

C'est dans ce contexte de suspicions de fraudes, d'irrégularités dans les préparatifs et de boycotts que la mission d'observation de l'Union européenne a décidé de retirer ses observateurs du Darfour, prenant acte de l'impossibilité d'accomplir sa tâche dans cette région en proie à la guerre civile.

C'est de notoriété publique que la violence endémique et persistante au Darfour ne permet aucunement une observation aisée de ces élections pour juger de leur régularité. Et pour tous, un report serait salutaire pour le processus électoral, voire la paix au Soudan, car, avec ses deux millions et demi de km2 et ses infrastructures pas toujours adéquates, il aurait fallu un peu plus de temps pour une organisation pratique des dites élections. Mais, véritablement, le général el-Béchir tient à organiser ses élections coûte que coûte, quitte à fouler aux pieds les principes élémentaires en la matière.

Voilà la surprise d’un général omnipotent qui, dès sa prise du pouvoir par la force le 30 juin 1989 en renversant Ahmed-al Mirghani, à nos jours, n'a daigné organiser la moindre élection. Et qui, subitement, tout fébrile, entend obtenir une légitimité à bon compte. N'est-ce pas une manière d'être plus fréquentable et d'espérer enfin échapper aux griffes et aux menaces de la Cour pénale internationale ?

Le Général Omar El Béchir en organisant ces élections espère échapper à la contrainte et la vindicte de la communauté internationale mais par cette occasion il donne l’opportunité au sud d’obtenir son indépendance. Ceci entraînerait sûrement un coup de canif à l’Afrique qui depuis les années d’indépendance et à la création de l’OUA a plaidé pour le maintien des frontières issues de la décolonisation.

Ainsi l’Afrique trouvait que cela était le seul moyen pour éviter la dislocation et la partition des jeunes états issus de la domination coloniale. Après tout, nos états actuels n’ont- ils pas été crayonnés par le colonisateur avec des tracés de frontières arbitraires? Les ensembles naturels et homogènes existant avant le compas et le canon du colonisateur ont été appréhendés et disloqués. La Balkanisation a été de créer des micros états économiques non viables et davantage reliés à la métropole qu’à leur environnent régional. En sacralisant le dogme de l’intangibilité des frontières par les pères fondateurs de l’OUA, l’Organisation Africaine prenait-elle la juste mesure des défis? Ne voit-on pas que ces frontières ne pourraient plus être transcendées que dans le cadre de politiques vigoureuses d’intégration régionale?

L’exploitation du continent africain, la colonisation, les ingérences multiples, l’allégeance alimentaire de certains responsables africains ont pu perdurer grâce à l’absence d’unité. Face aux différents problèmes tels que la crise de l’endettement, l’absence de sécurité alimentaire et sanitaire, le clientélisme, la fin de l’Etat patrimonial, les échecs au niveau de l’amélioration de la productivité, l’impossible industrialisation, les solutions passent nécessairement par une volonté réelle et profonde des Africains de s’organiser collectivement et de s’unir.

Faut-il lever l’intangibilité des frontières pour valoriser l’interdépendance ? Oui, disent en commun J. Rano, M. Mounikou, A. K. Agbobli, Ph. Lavodrama, R. Charvin, Ph. Engelhard, P. B. Dieng et Y. E. Amaïzo ces intellectuels africains. Plus encore, ils suggèrent d’opter pour un passeport commun. Enfin une vision alternative pour l’Afrique ! En réalité, outre les constats sans complaisance, c’est la volonté d’organisation de l’interdépendance entre les Africains d’hier et d’aujourd’hui et les amis de l’Afrique qui prime.

Etre incapable de s’unir, de ne pas vouloir s’organiser collectivement, est de manière prévisible, le suicide collectif de ce continent. Au contraire, s’organiser collectivement, c’est assurer l’avènement d’une diplomatie nouvelle à savoir : l’influence sans la puissance. La Nouvelle Initiative Africaine, rebaptisée Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique, n’est qu’une première version de nouvelles initiatives de l’interdépendance entre le nord et le sud.

Au cours du 21e siècle, l’Afrique sera-t-elle capable de construire collectivement cette interdépendance émergente ? C’est la question ? La réponse sera négative si tout un chacun se cantonne dans un rôle de simple observateur ou de critique, même fût-il averti !

De l'unité africaine de Nkrumah à l'Union africaine de Kadhafi, l'idée de l'Unité africaine fascine les Africains, au point de susciter des rassemblements qui occultent les différences et les différends. Cet espoir a toujours trouvé son soubassement dans le cadre du respect des frontières issues de colonisation pour éliminer toutes formes de velléités de division et/ou d’indépendantisme.

Aujourd’hui on constate que le projet d'union engagé à Addis-Abeba (Ethiopie) en 1963, n'avait pas intégré le fait qu'il était difficile, voire impossible de fédérer des Etats qui sont différents par la culture, la religion et l'histoire. La renaissance incarnée, en 1999, par l'Appel de Syrte (Libye), dresse un tableau d'attentes déçues et d'espérances en berne. Les dirigeants africains ont réédité les erreurs du passé. Si la relance de l'idée, après la sclérose de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), est la preuve que l'Union africaine est désormais un rêve partagé, une question demeure lancinante : pourquoi un projet porteur du destin continental a-t-il du mal à se matérialiser ? Au-delà des réponses coutumières, il en est une qui est essentielle : « l'unité politique n'est pas réalisable sans unité culturelle ». Les Africains aspirent à une Union africaine qui rompt avec l'État-nation et l'héritage du colonialisme.

 

Si la thèse de l’unité africaine traditionnelle a bien fait de se transformer, dès mai 1963, en organisation de l’unité africaine dont l’importance reste indéniable, par contre elle est aussi devenue sur les plans idéologique et politique un obstacle majeur au cheminement de l’Afrique vers la démocratie et le développement.

En effet, par ses incessants appels au retour à la société africaine précoloniale, à l’exhumation des valeurs africaines de civilisation, la thèse de l’unité africaine traditionnelle a non seulement enfermé le génie créateur des peuples africains dans la coquille de l’africanité, mais encore a servi d’alibi aux premiers dirigeants africains pour trier sur le volet les valeurs du passé africain qui convenaient à la stabilité et au maintien de leur pouvoir personnel. Par sa négation des classes sociales et de la lutte de classe en Afrique dont on sait qu’elles constituent pour chaque société humaine le moteur du changement et du développement, la thèse de l’unité africaine traditionnelle a donné aux dirigeants africains le prétexte de sauvegarder la cohésion sociale et de construire l’unité nationale ; elle a frayé ainsi le chemin au parti unique et fait son lit en Afrique.

De même en substituant les tribus aux classes et les luttes tribales à la lutte de classe, la thèse de l’unité africaine traditionnelle a ouvert un peu plus la voie aux divisions sociales, au tribalisme et aux guerres civiles sur le continent. En faisant basculer, dès les années 60, de nombreux jeunes Etats africains du pluralisme politique vers le monopartisme, de la démocratie vers la monocratie, la thèse de l’unité africaine traditionnelle a non seulement permis aux dirigeants africains d’établir des pouvoirs dictatoriaux et totalitaires mais encore elle leur a inoculé la peur du pluralisme, le dégoût de l’alternance politique et le mépris de la démocratie. La thèse de l’unité africaine traditionnelle n’a été, en fin de compte, qu’un plasma, un autre cheval de Troie aux conséquences négatives imprévisibles dont de nombreux Etats africains éprouveront encore de la peine à se débarrasser avant de rattraper leur retard dans le développement.

Après 50 années d’indépendance de la plupart des Etats africains, l’unité africaine reste encore très précaire malgré l’appel incessant à la renaissance africaine. La division du soudan est un nouveau croche-pied à l’unité de notre continent qui se cherche en vain.

 

Amadou DIALLO http://adiallo132009.blog4ever.com/



09/01/2011
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