Dérives populistes de certains sites internet au Sénégal
Dérives populistes de certains sites internet au Sénégal
Avec l'avènement de l'internet et surtout du haut débit, les sénégalais se sont précipités dans la création de sites internet soit pour informer ou passer des doléances. Paradoxalement, les plus grands sites internet n'ont, pour la plupart, pas de code de déontologie interne. On aurait pu penser que, vu le sérieux et l'importance de diffusion qui les caractérisent, des sites qui ont pignon sur rue en disposent. Mais malheureusement, aucun de ces grands sites sénégalais n'a institué ni un code, ni une charte pour rappeler à leurs webmasters les règles de base du site « parfait. ». En réalité, le nombre de sites à en posséder est très faible, sinon leur existence est parfois complètement ignorée par les principaux concernés et l'information numérique devient une véritable cacophonie, un « copier-coller » sans respect des principes élémentaires de la démocratie et de la vie privée des sénégalais.
Même si il existe parfois des codes écrits ou informels, d'autres pratiques qui ont cours au sein de certaines rédactions de sites sont plus que exagérées et sans rapport avec les réalités de notre pays de respect d'autrui et de ses croyances. L'idéal voudrait que la personnalité qui occupe cette fonction soit une personne sensée, aussi respectable qu'expérimentée, qui n'a de compte à ne rendre à personne et qui ne rechigne pas à rappeler à l'ordre les journalistes ou les commentateurs qui seraient tentés de déraper. Mais rien ne garantit que cela soit le cas dans les rédactions parce que la quasi-totalité des sites sénégalais ou vers le Sénégal se lancent dans une course effrénée à l'audience sans un contrôle à posteriori des commentaires rédigés dans leur site suite à la publication d'un article ou d'une information. L'utilisation des sites internet par nos compatriotes à l'étranger comme à l'intérieur du pays ne se fait pas toujours dans le respect des valeurs qui ont concouru à l'édification de la cohésion et de la stabilité nationale. Des énergumènes, anarchistes à souhait ou en manque de publicité assaillent la toile pour y déverser des insanités, des insultes et des appels à l'insurrection, dans le cadre des forums proposés par les sites d'information ou simplement dans des sites servant de quartiers généraux aux soi-disant opposants qui ont déclaré la guerre au régime et à certains marabouts.
Même si le régime de Wade n'est pas le bienvenu pour une grande part des sénégalais, et que certains marabouts passent outre leur compétence il n'en demeure pas moins que certains sites doivent contrôler les forums et veiller à la publication de certains commentaires. Dans notre pays, les internautes surtout les immigrés sont relativement gâtés par les sites d'information en continu qui leur servent le traitement quotidien de l'information sous toutes ses formes et cerise sur le gâteau des espaces d'expression et d'échanges communément appelés forums. Cependant, la totalité des interventions interactives relevées dans les forums vont à l'encontre des valeurs fondamentales de notre République et de notre culture.
Les internautes foulent au pied toutes les recommandations et les consignes données par les administrateurs des sites. En vérité, avant de poster un commentaire, il est demandé au surfeur d'être courtois, de ne pas envoyer de message vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée ou ayant un ton agressif ou insultant. Mais malheureusement, les internautes agissent contrairement à ces orientations et les forums deviennent dès lors, des nids d'insultes où les autorités religieuses, politiques et coutumières en prennent pour leurs grades. Il est important dés lors pour les administrateurs de sites de vérifier les commentaires dans les forums avant de les publier. Il est navrant de constater que dés qu'on a cliqué sur « valider » le commentaire de l'internaute dans un forum est aussitôt publié dans le site sans aucune vérification ou analyse préalable.
Il faut reconnaître que le Sénégal a échappé à beaucoup de tumultes et on a été sauvé par l'action de nos chefs religieux qui n'ont pas hésité une seule fois de peser de toutes leurs forces pour la paix au Sénégal. Il s'agit de les préserver et de faire attention aux commentaires portés sur leur personne et de leur entourage. Malgré le développement fulgurant de l'internet au Sénégal, les lois devant encadrer ce secteur n'ont pas suivi. C'est l'avis de Ousmane Blé Mbaye, développeur web, qui s'exprimait en marge des «48 heures de Google» au Sénégal. «Il y a un vide juridique, voire un néant, en ce qui concerne internet au Sénégal», a soutenu M. Mbaye.
Des mécanismes de régulation doivent être mis en place par l'Etat ou par les administrateurs de sites avec un dénominateur commun : garantir la liberté des créateurs de sites tout en l'accompagnant d'un certain nombre de principes pour éviter d'éventuels dérives et des atteintes à la dignité des gens. Même si on peut se féliciter de la multitude de sites sur le Sénégal on peut toutefois se demander si les efforts des administrateurs ne sont pas occultés par l'appât de la publicité et de la concurrence sans garde fous.
En définitive, nous pouvons affirmer que les moyens de régulation présentent quelques insuffisances, ils sont donc perfectibles. L'urgence est de demander aux différents responsables de s'impliquer d'avantage dans l'organisation de leur site et ne pas scier la branche sur laquelle ils sont assis. Celle-ci ne pouvant s'exercer, de préférence, que par l'autorégulation, la mise sur pied de mécanismes l'accompagnant est plus qu'une nécessité. Pour ce faire, aucune information, article ou commentaire ne doit être publié dans un site sans un travail de vérification et d'analyse à priori. La toile ne doit pas faire fi des règles de bienséance d'une société profondément conservatrice ou le respect d'autrui est un dogme. L'existence depuis une vingtaine d'années d'un contexte plus ou moins favorable à la liberté de la presse et d'opinion ne doit pas produire un effet contraire si l'on y prend garde. Ce dernier point est le plus important car il nous paraît très difficile d'admettre qu'on parle d'éthique et de déontologie pour des médias dont le premier combat est celui de son affranchissement au monopole étatique et aux foudres de la censure. La liberté d'expression, celle du journaliste, de l'internaute et celle du média sont donc le préalable pour l'épanouissement de la presse en démocratie. Et c'est en démocratie qu'on parle de pouvoir, de contre pouvoir et parfois de dérives ou de dérapages médiatiques.
Le Sénégal est l'une des premières colonies où s'implantèrent les premiers journaux d'expression française particulièrement idéologiques. Aujourd'hui, ces organes de l'ère coloniale ont cédé la place à des journaux d'informations générales et des sites d'information. La constitution sénégalaise, en son article 8, garantit la liberté d'expression, celles du journaliste et du média sont affirmées dans la loi sur la presse de 1996. C'est donc dans ce contexte que les journaux sénégalais ainsi que les administrateurs de sites d'information tentent de jouer le rôle qui leur sied, c'est-à-dire contribuer à consolider la démocratie sénégalaise en informant la population sur tout sujet digne d'intérêt national. Nous avons remarqué que cette mission ne se fait pas sans difficulté surtout quand on ne fait pas un travail de diagnostic et de responsabilisation des internautes et des commentateurs. Qu'elles concernent la presse gouvernementale, la presse indépendante dite sérieuse, la presse people ou les sites internet, les dérives notées dans les forums montrent qu'il y a un malaise.
Quoique l'existence d'une multitude de sites d'information sur le Sénégal témoigne d'un environnement libéral, les dérives des administrateurs ne doivent pas rester impunies sous prétexte de préservation de la démocratie. Cette liberté doit s'exercer par un encadrement juridique, on parle alors de régulation extérieure ou par une régulation par la profession elle-même, il s'agira dans ce cas d'autorégulation que j'appelle de tous mes vœux.
Par conséquent, il faut tout simplement retenir que l'étude des médias sénégalais sous le prisme de l'éthique et de la déontologie est un terrain prometteur. La liberté d'information, celle d'opinion étant protégée, il y a une crainte que les dérives se propagent et prennent des proportions très dommageables aux médias eux-mêmes. Toutefois, il n'est pas question de faire un retour en arrière, ce qui serait un sacrifice de la liberté individuelle. On se rappelle cette polémique qui a opposé ROUSSEAU à VOLTAIRE: l'un déplorant le fait que « l'homme est devenu un loup pour l'homme » et l'autre taxant son contradicteur de vouloir ramener la civilisation à l'âge de la pierre. Les dérapages et les dérives semblent être le résultat de la liberté acquise au fil des années. Maintenant, il revient aux détenteurs de sites de montrer qu'ils sont en mesure de faire usage de cette liberté tout en instaurant des médias de qualité. L'exemple donné par certains sites qui font un véritable travail de ménage constitue à ce propos une image qui montre l'importance de la responsabilité des médias et des professionnels du net vis à vis du public qui les fait confiance. La toile est aujourd'hui un élément d'éducation ; un média, qui n'accorde pas assez d'importance aux principes éthiques et déontologiques qui lui sont nécessaires, ne peut pas aider le peuple à y voir plus clair et à comprendre l'évolution du monde.
Quelle est l'importance des « encadrés de correction », des « droits de réponses », du « courrier des lecteurs » ou des « forums » aussi bien pour le journal que pour le lecteur s'il n'existe aucun respect ? Qui sont ces médiateurs dont la présence dans les rédactions est devenue de plus en plus vitale ; sont-ils plus au service du média que du public ? La toile est-elle un lieu de défoulement derrière un clavier ? Voilà autant d'interrogations et de pistes de réflexion qui vont nécessiter une investigation sur le terrain et des rencontres avec les professionnels et les spécialistes des médias sénégalais pour protéger ce qui est le plus cher chez nous : l'unité nationale, le respect des institutions politiques et religieuses ainsi que la téranga sénégalaise qui font partout notre fierté.
Amadou DIALLO
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