DIALLOBEDUCATION

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La Liberté: Cours numéro 2

Mathilde Maisse

                                                      Cours de Philosophie

 

                                                            LA LIBERTE

 

 

Cours n°2 : La dimension politique et la dimension métaphysique de la liberté

 

 

Dans ce second cours sur la liberté, nous aborderons l’aspect plus concret, en quelque sorte,

de cette notion. Après avoir vu la possibilité effective de la liberté, ainsi que ses différents

degrés et les différents déterminismes qui la limitent. Nous étudierons ici la dimension

politique de la liberté : l’E tat, la société, la loi, sont-ils une entrave ou un garant de ma

liberté ? Ensuite, l’intérêt se portera sur la dimension métaphysique de la liberté : quelle est la possibilité de liberté des hommes à l’intérieur du cadre établi par la divinité ? Et en dehors

même de tout cadre : quand il n’y a plus ni Dieu, ni loi, ni déterminisme imposés ; quelles

sont alors les conséquences pour la liberté humaine ?

 

 

La Dimension politique et sociale de la liberté

 

Comme nous l’avons vu au cours des parties précédentes, la liberté s’inscrit de fait à

l’intérieur d’un cadre. A fin d’être réellement effective, la liberté est nécessairement limitée. Et comme nous l’avons précisé au tout début de la première partie, elle est d’ailleurs limitée ne serait-ce que par le cadre légal. D’un point de vue social et politique, en effet, je n’ai pas le

droit de faire tout ce que je veux, quand je veux et où je veux. La liberté au sens politique et

social est conditionnée par la légalité : je suis libre de faire tout ce qui n’est pas défendu par la

loi et je suis libre de refuser de faire tout ce qu’elle n’ordonne pas. L ’E tat, par le biais des lois, met en place un cadre de références (instauré par le droit positif), qui rend possible la liberté.

M a liberté, en tant qu’individu et citoyen, est garantie précisément du fait que celle-ci d’un

point de vue général : aussi bien la mienne que celle d’autrui, est limitée par la loi. Sans la loi,

en effet, il n’y a pas de liberté possible pour tous et pour chacun, puisque sans loi, le risque est

d’être, par exemple, esclave des passions, ou de subir la loi du plus fort. Ainsi

paradoxalement, l’interdiction (la loi) augmente, garantie et protège la liberté de chacun.

 

Toutefois, ce n’est pas toujours le cas. Il arrive aussi que certains états, loin de garantir la liberté, au contraire, la restreignent fortement. Prenons pour exemple les états totalitaires, les dictatures et certaines monarchies, qui en décidant de tout pour tous et en imposant parfois

même une manière de penser ou un mode de vie annule toutes possibilités de liberté. C’est le

cas notamment, à l’intérieur de la monarchie proposée par Hobbes dans son contrat social. Ici

les hommes qui ont passé le contrat sont tels des esclaves. Ils dépendent entièrement du « chef

de l’E tat » et de ce fait, n’ont plus aucun espace de liberté : ils ne décident de rien, tout leur

est imposé à partir du moment où ils font ce choix du contrat. Au contraire, dans le contrat

social présenté par Rousseau, les hommes qui passent le contrat ont davantage de liberté ; car

c’est ici une démocratie directe (et non plus une monarchie). C e qui signifie que chacun

décide pour lui-même : le citoyen ne s’en rem et pas à un « chef de l’E tat », qui déciderait

pour lui. Cependant cette idée de démocratie directe paraît difficile à mettre en place à

l’échelle d’un pays. C’est une forme d’idéal politique, qui rencontre certaines limites dans la

pratique. M ais cela n’empêche pas qu’elle puisse être, tout au moins, un modèle démocratique à adapter à la réalité politique.

Spinoza quant à lui, semble se situer dans une forme de nuance entre ces deux extrêmes.

Puisqu’il nous explique que l’homme libre est celui qui obéit. T out comme paradoxalement,

la loi, si elle est bien faite et bien appliquée, est ce qui augmente et garantie la liberté ;

l’obéissance, si elle est voulue et réalisée dans un cadre de confiance (j’accepte d’obéir parce

que je sais pourquoi je le fais et que je suis d’accord avec ce à quoi on me demande d’obéir)

est un bien fait pour la liberté. M ais c’est ici le cas, parce que celui qui obéit trouve un intérêt

personnel à le faire. C e n’est pas une obéissance d’esclave, dans laquelle le seul bénéfice

revient à celui qui donne l’ordre et non à celui qui obéit. Ainsi dans la dimension politique et

sociale de la liberté, je suis libre à partir du moment où celle-ci est garantie par un cadre, qui

tout en la limitant nécessairement (puisque je ne peux être véritablement libre si tout est

permis. Cf. notamment le risque de la loi du plus fort.), me laisse également une possibilité de

libre arbitre, c’est-à-dire une possibilité de choix et de décision individuels. E t qu’en est-il

alors du point de vue métaphysique de la liberté ? Quand ce n’est plus la loi de l’E tat et de la

société qui m ’est imposée, m ais celle de Dieu ? L’homme est-il libre de décider, d’agir, dans

sa vie et le monde dans lequel il vit ? Ou est-ce toujours Dieu qui le gouverne et décide à sa

place ?

La Dimension métaphysique de la liberté

Dans la perspective de la Grèce ancienne, l’homme n’apparaît pas de prime abord comme libre vis-à-vis des dieux. A cette époque en effet, la notion de destin prend une telle place, que la liberté réservée aux hommes ne paraît pas existée. C’est en quelque sorte la « dictature » de la fatalité. Le terme « fatalité » vient du grec « fatum », qui signifie : ce qui est dit. La fatalité va de pair avec la nécessité, c’est-à-dire avec ce qui existe de fait et qui ne pourrait pas être autrement ou ne pourrait pas être du tout. Ainsi le destin, la fatalité, la nécessité, est ce qu’il n’est pas possible de modifier : ce à quoi on ne peut pas échapper. Comme il est possible d’ailleurs de l’observer dans les tragédies et les mythes de la Grèce ancienne. P renons alors plus précisément pour exemple Oedipe, qui en cherchant à échapper à son destin (annoncé par l’O racle : tu tueras ton père et épouseras ta mère), le réalise précisément. Toutefois cette pensée grecque évolue au cours de l’histoire : petit à petit le sujet, l’individu émerge et avec lui, la possibilité de liberté réservée aux hommes. Il est possible notamment de l’observer dans la pensée stoïcienne, à l’intérieur de laquelle il semble exister, effectivement, une part de liberté. Dans le Manuel d’Epictète, philosophe stoïcien, il nous est dit qu’il y a les choses qui dépendent de nous et d’autres qui ne dépendent pas de nous. De ce fait, la possibilité de

liberté réside nécessairement à l’intérieur de ce qui dépend de nous. Puisque par définition, ce

sont les choses pour lesquelles nous avons une possibilité d’influence, de décision, de choix,

« qui sont notre œuvre propre ». Comme par exemple « le jugement, l’impulsion, le désir ».

M ais les stoïciens pensent également qu’il existe une possibilité de liberté à l’intérieur de ce

qui, paradoxalement, ne dépend pas de nous. C om m e par exemple, l’ordre du m onde, c’est-à-dire

notamment le rôle assigné par les dieux, le cosmos, le destin réservé à chacun. Choses sur

lesquelles normalement, les hommes n’ont pas d’influence, ni de possibilité d’action, ni de ce

fait de possibilité de liberté, puisqu’elles ne sont pas « leur œuvre propre ». Ainsi dans la

vision stoïcienne, la liberté n’est pas aussi restreinte qu’on pourrait le croire de prime abord,

puisqu’en réalité, une possibilité de liberté existe également à l’intérieur de ce qui ne dépend

pas de nous. S i l’on sait, en effet, ce que veulent les dieux, si l’on connaît l’ordre du m onde, et

que l’on veut à la fois cet ordre du m onde et ce qu’ont décidé les dieux. E t que l’on veut tout

cela librement, alors une part de liberté existe malgré ce déterminisme et cette nécessité

divine. Le sage stoïcien est donc libre au sens où il veut de lui-même, c’est-à-dire librement,

ce destin nécessaire qui lui est réservé par les dieux. Ainsi il semble exister une double

possibilité de liberté selon les stoïciens, puisque les hommes sont libres pour les choses qui

dépendent d’eux , mais m êm e pour celles qui ne dépendent pas d’eux : ils peuvent être libres

dans la mesure où ils les souhaitent librement et vont dans le sens de ce destin déterminé par

les dieux. Il faut attendre le 20ème siècle avec Sartre et l’existentialisme, afin de rencontrer une conception de la liberté qui se pense en dehors de toute nécessité et déterminisme, quel qu’il soit. Pour Sartre, en effet, « l’existence précède l’essence », comme il nous l’explique dans L ’existentialisme est un humanisme. E t c’est cela la nouveauté. Jusqu’ici dans la majorité des conceptions philosophiques, qu’il y ait Dieu ou pas, c’était l’essence qui précédait l’existence. C’est-à-dire que c’était la nature hum aine, les attributs de l’homme, une sorte de définition préétablie de ce que devait être l’homme, qui conditionnait ou déterminait son existence : notamment ses valeurs, sa manière d’être, d’agir, ce qui était bien ou mal etc.… Pour bien comprendre cette évolution dans la pensée, reprenons précisément ce que Sartre lui-même nous rappelle. Ainsi il nous rappelle qu’au 17 ème siècle, avec des philosophes comme Leibniz ou Descartes, la pensée partait du postulat d’un Dieu créateur, qui tel un artisan, était à l’origine du concept d’homme : son essence, sa nature et le créait comme tel. Ainsi l’essence précédait bien l’existence. A u 18 ème siècle, avec les philosophes Voltaire, Diderot et Rousseau, qui développent une position athée : il n’y a plus de Dieu créateur à l’origine de l’homme, m ais il y a toujours une essence qui précède l’existence. Il y a toujours l’idée d’une nature hum aine prédéterminée, à laquelle l’existence hum aine doit correspondre. L’essence précède donc toujours l’existence. A u 20 ème siècle avec Sartre, il y a alors un bouleversement de cette conception ; car pour le philosophe, il n’y a ni Dieu, ni essence qui précède et détermine l’existence hum aine. Pour Sartre, l’existence de l’homme est une donnée qui précède, au contraire, l’essence. C e qui signifie que l’homme est entièrement libre. C ’est à lui de se définir comme il le souhaite : l’homme est alors ce qu’il veut être. Tous les choix, toutes les possibilités s’offre à lui : libre à lui de décider et d’agir comme il le veut. Ainsi dans la pensée de Sartre, l’homme devient ce qu’il se fait lui-même. Il n’y a plus de limite, ni de déterminisme d’aucune sorte. Toutefois cette liberté totale et absolue, mise en avant par le philosophe, peut également débouchée sue un désespoir et une angoisse existentielle pour l’homme. Car si tout est possible, si il n’y a pas de limite, ni de cadre : comment choisir,  comment savoir ce qu’il faut faire, ce qui est bien ou m al. Il y a tout à inventer et à créer, et c’est cela qui peut alors être angoissant.

Ainsi, comme nous l’avons vu au cours de cette étude générale sur la notion de liberté (cours 1 et 2), l’idée de liberté prend sa signification face au déterminisme et à l’existence des autres. Sans limite et sans cadre, en effet, la liberté ne paraît pas exister. Si je suis effectivement totalement libre : sans aucun déterminisme, ni nécessité ; alors penser la liberté n’a pas de sens. Si je me considère comme totalement libre : sans prendre en compte les autres ; alors la notion n’a de sens que pou r m oi, car dans ce cas, j’entrave la liberté d’autrui. C’est pourquoi la liberté totale et absolue semble difficilement pensable. Sartre l’a fait, m ais sa conception de la liberté peut apparaître aussi, dans un monde sans Dieu, comme angoissante et pleine de désespoir.

 



08/10/2009
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